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Elections en Turquie: une délégation communiste française arrêtée quelques heures


Dimanche 24 juin 2018 à 20h22

Paris, 24 juin 2018 (AFP) — Une sénatrice et deux militants communistes français ont été arrêtés quelques heures dimanche à Agri (est de la Turquie), où ils étaient venus observer les élections à l'invitation d'un parti pro-kurde, épisode montrant "la fébrilité" du pouvoir turc, selon le parti communiste.

"Nous avons été arrêtés à 10H30 et retenus à la gendarmerie jusque 17H, à la fin des opérations de vote. On nous a dit qu'il n'y aurait pas de poursuites contre nous car notre présence n'était pas délictuelle", a expliqué à l'AFP Hulliya Turan, secrétaire départementale du Bas-Rhin.

La délégation, composée également de Christine Prunaud, sénatrice des Côtes d'Armor, et Pascal Torre, membre du secteur des Relations Internationales au PCF, s'était rendue dans deux bureaux de vote et revenait en ville quand elle a été interpellée. "On nous a emmenés à la gendarmerie pour vérifier nos identités puis on nous a demandé ce qu'on faisait là, pour quelle organisation on travaillait", a raconté Mme Turan.

"Ils avaient du mal à admettre qu'on était juste là pour observer les élections", a-t-elle ajouté.

La délégation, qui avait répondu à un appel du HDP, le principal parti pro-kurde, "n'a rien constaté de particulier" dans ces deux bureaux de vote, mais ne souhaitait pas faire de commentaire politique jusqu'à son retour en France, prévu lundi soir.

"Le consulat de France à Ankara nous a quand même dit de rester à l'hôtel parce qu'il pouvait y avoir une autre arrestation possible", a dit Christine Prunaud à Franceinfo.

Le Parti communiste a dénoncé plus tôt dans un communiqué une volonté du pouvoir turc "d'étouffer toutes les voix qui dénoncent les fraudes massives à l'oeuvre", ajoutant que "ces méthodes ne font que le renforcer résolument à rester aux côtés des démocrates de Turquie qui entendent mettre un terme à la dictature" de Recep Tayyip Erdogan.

Opposants turcs et ONG avaient mobilisé plusieurs centaines de milliers d'observateurs pour surveiller les urnes, distincts des observateurs dépêchés par les organisations internationales comme l'OSCE.

C'était "une mission d'observation de nature citoyenne comme cela se fait dans d'autres pays", pour s'assurer qu'aucune fraude n'était commise car "il y a eu des doutes lors des précédentes élections", et "on n'a pas du tout caché la raison pour laquelle ils se rendaient sur place", a déclaré à Franceinfo le numéro un du PCF et sénateur, Pierre Laurent.

"Cette attitude des autorités turques montre leur grande fébrilité", selon lui.

Le Parti de Gauche, qui a apporté son soutien aux communistes, a affirmé dimanche soir que sa propre délégation invitée par le HDP, Danielle Simonnet, Jean-Christophe Sellin et Simon Berger, avait "subi une inacceptable garde à vue de deux heures à l'aéroport d'Istanbul samedi avec menace d'expulsion immédiate et interdiction définitive du territoire".

"Cette fébrilité illustre la peur de perdre les élections malgré la répression menée et la tentation renouvelée de recourir à des fraudes massives", a-t-il estimé dans un communiqué.

L'agence turque Anadolu a de son côté rapporté des procédures judiciaires contre 10 étrangers accusés, selon elle, d'avoir tenté de se faire passer pour des observateurs internationaux. D'après l'agence, trois Français, trois Allemands et trois Italiens figurent parmi les personnes interpellées.

Plus de 56 millions d'électeurs étaient appelés dimanche à voter pour leur président et leurs députés, dans un scrutin qui marquera le passage du système parlementaire en vigueur à un régime hyper-présidentiel, voulu par Recep Tayyip Erdogan, mais décrié par ses opposants. Le chef de l'Etat était donné en tête avec un score de 58,5% après le dépouillement de plus d'un quart des bulletins.

Le principal parti d'opposition turc a dénoncé des tentatives de fraude et énuméré plusieurs exemples de tentatives de bourrage d'urnes en faveur de l'alliance dominée par le parti au pouvoir AKP (islamo-conservateur).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.