Jeudi 21 mars 2013 à 09h42
DIYARBAKIR (Turquie), 21 mars 2013 (AFP) — Le chef rebelle kurde emprisonné Abdullah Öcalan doit annoncer jeudi, à Diyarbakir (sud-est), un cessez-le-feu "historique" qui ravive l'espoir de mettre un terme à un conflit qui déchire la Turquie depuis vingt-neuf ans, à l'occasion des célébrations du Nouvel an kurde.
Fruit de longs mois de pourparlers avec le gouvernement, l'appel du fondateur du Parti des travailleurs du KuOdistan (PKK), qui purge depuis 1999 une peine de prison à vue, doit être lu à la mi-journée dans la métropole que les 12 à 15 millions de Kurdes du pays (20% de sa population) considèrent comme leur capitale.
Dès le lever du soleil, des dizaines de milliers de personnes étaient déjà rassemblées sur l'immense esplanade où a été dressé le bûcher du "Newroz" (Nouvel an), pavoisée d'innombrables drapeaux aux couleurs kurdes, rouge jaune et vert.
A quelques heures des premiers discours, la foule continuait de se presser par colonnes entières sur l'esplanade, agitant des drapeaux à l'effigie du chef rebelle et frappés du sigle du PKK. Contrairement à la tension qui accompagnait ces célébrations les années précédentes, la police s'est faite extrêmement discrète.
Ainsi qu'il l'a lui-même confirmé lundi à des députés du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde) rencontrés dans son île-prison d'Imrali, en mer de Marmara, non loin d'Istanbul, Abdullah Öcalan doit appeler jeudi ses troupes à un cessez-le-feu. "Je veux résoudre la question des armes rapidement, sans qu'aucune autre vie ne soit perdue", a-t-il expliqué à ses visiteurs.
Selon la feuille de route révélée par la presse, le chef historique du PKK devrait également appeler jeudi ses troupes à quitter, d'ici la fin de l'été, le territoire turc et à se retirer dans leurs bases du nord de l'Irak. Le gouvernement s'est déjà engagé à leur garantir un sauf-conduit.
A quatre reprises déjà depuis le début de sa rébellion en 1984, Abdullah Öcalan a proclamé des cessez-le-feu unilatéraux. Jamais jusque-là ils n'ont permis de déboucher sur une solution à ce conflit qui a fait plus de 45.000 morts.
Bonne volonté
Cette fois, le gouvernement comme les rebelles semblent déterminés à parvenir à la paix. "Il est temps de dire adieu aux armes", a confié M. Öcalan à ses récents visiteurs. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a répété de son côté qu'il était prêt à tout faire pour que les armes se taisent, même à "avaler du poison".
Le fil de leur dialogue a été renoué à la fin de l'automne dernier, au terme d'une année de combats particulièrement meurtriers et d'une longue grève de la faim de détenus kurdes interrompue sur ordre du chef du PKK.
Depuis, les gestes de bonne volonté se sont enchaînés. Ankara a levé l'isolement imposé à Abdullah Öcalan et déposé au Parlement un "paquet" législatif qui doit permettre la remise en liberté de centaines de Kurdes incarcérés pour leurs liens avec le PKK.
En retour, le mouvement rebelle, considéré comme une organisation terroriste en Turquie et dans de nombreux pays occidentaux, a libéré la semaine dernière huit prisonniers turcs détenus en Irak.
Malgré ce climat favorable, les obstacles sur le chemin d'une paix restent très nombreux.
A commencer par le sort réservé à Abdullah Öcalan. Ankara a écarté toute idée d'amnistie générale mais les Kurdes insistent pour sa remise en liberté ou, à défaut, son assignation à résidence.
Le processus de paix ne fait pas non plus l'unanimité. Une majorité de Turcs rejettent l'idée d'une négociation directe avec Abdullah Öcalan, largement considéré comme un "terroriste" ou un "tueur d'enfants".
Malgré ses dénégations, l'opposition soupçonne aussi M. Erdogan d'arrière-pensées plus politiciennes. En clair, de vouloir accorder des droits aux Kurdes en échange de leur soutien à un projet de Constitution renforçant les pouvoirs du président. Contraint de quitter la tête du gouvernement en 2015, le Premier ministre ne cache pas son intention de briguer la magistrature suprême en 2014.
Signe que l'appel à la paix attendu du chef du PKK suscite des tensions dans ses propres troupes, des affrontements ont opposé jeudi matin les forces de l'ordre et des manifestants kurdes dans la ville de Sirnak, près de la frontière irakienne.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.