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Diyarbakir attend l'appel à la paix "historique" du rebelle kurde Öcalan


Jeudi 21 mars 2013 à 03h52

DIYARBAKIR (Turquie), 21 mars 2013 (AFP) — Le chef rebelle kurde emprisonné Abdullah Öcalan doit annoncer jeudi, à l'occasion des célébrations du Nouvel an kurde, un cessez-le-feu "historique" qui a ravivé l'espoir de mettre enfin un terme à un conflit qui déchire la Turquie depuis 29 ans.

Fruit de longs mois de pourparlers avec le gouvernement, l'appel du fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui purge depuis 1999 une peine de prison à vue, doit être lu à la mi-journée par une personnalité kurde à Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie, et retransmis en direct à la radio et à la télévision.

Plusieurs centaines de milliers de personnes sont attendues dans la métropole que les 12 à 15 millions de Kurdes du pays, soit 20% de sa population totale, considèrent comme leur capitale. Dès mercredi, une noria de bus a commencé à y déverser les participants à ces célébrations exceptionnelles du "Newroz".

Abdullah Öcalan lui-même a confirmé lundi la teneur de son message de paix à des députés du Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde) qui lui rendaient visite dans son île-prison d'Imrali, non loin d'Istanbul.

"Je veux résoudre la question des armes rapidement, sans qu'aucune autre vie ne soit perdue", leur a-t-il expliqué.

Selon la feuille de route révélée par la presse, le chef historique du PKK devrait également appeler jeudi ses troupes à quitter, d'ici la fin de l'été, le territoire turc et à se retirer dans leurs bases du nord de l'Irak. Le gouvernement s'est déjà engagé à leur garantir un sauf-conduit.

A quatre reprises déjà depuis le début de sa rébellion en 1984, Abdullah Öcalan a proclamé des cessez-le-feu unilatéraux. Jamais jusque-là il n'ont permis de déboucher sur une solution au conflit, qui a fait plus de 45.000 morts.

Cette fois, le gouvernement comme les rebelles semblent déterminés à parvenir à la paix. "Il est temps de dire adieu aux armes", a confié M. Öcalan à ses récents visiteurs. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan répète de son côté qu'il est prêt à tout faire pour que les armes se taisent, même à "avaler du poison" ou au "prix de (sa) carrière politique".

Bonne volonté

Le fil de leur dialogue s'est renoué à la fin de l'automne dernier, au terme d'une année de combats particulièrement meurtriers et d'une longue grève de la faim de détenus kurdes interrompue sur ordre du chef du PKK.

Depuis, les gestes de bonne volonté se sont enchaînés. Ankara a levé l'isolement imposé à Abdullah Öcalan et déposé au Parlement un "paquet" législatif qui doit permettre la remise en liberté de centaines de Kurdes incarcérés pour leurs liens avec le PKK.

En retour, le mouvement rebelle, considéré comme une organisation terroriste en Turquie et dans de nombreux pays occidentaux, a libéré la semaine dernière huit prisonniers turcs détenus en Irak.

Malgré ce climat favorable, les obstacles sur le chemin d'une paix restent très nombreux.

A commencer par le sort réservé à Abdullah Öcalan. Ankara a écarté toute idée d'amnistie générale mais les Kurdes insistent pour sa remise en liberté ou, à défaut, son assignation à résidence.

Le processus de paix ne fait pas non plus l'unanimité. Une majorité de Turcs rejettent l'idée d'une négociation directe avec Abdullah Öcalan, largement considéré comme un "terroriste" ou un "tueur d'enfants".

Malgré ses dénégations, l'opposition soupçonne aussi M. Erdogan d'arrières-pensées plus politiciennes. En clair, de vouloir accorder des droits aux Kurdes en échange de leur soutien à un projet de Constitution renforçant les pouvoirs du président. Un mandat qu'il convoite pour 2014.

Le pari de la paix engagé par le chef du gouvernement est donc risqué. En cas de réussite, M. Erdogan deviendrait un nouveau Lincoln (le président qui a réconcilié le Nord et le Sud des Etats-Unis), ont écrit des éditorialistes. Sinon, a ajouté l'un d'eux, il n'en sera que le Gorbatchev, le président de la dissolution de l'Union soviétique.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.