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Des survivants des gazages de Saddam témoins au procès d'un Néerlandais


Jeudi 1 decembre 2005 à 15h20

LA HAYE, 1 déc 2005 (AFP) — Des survivants du bombardement à l'arme chimique d'une ville iranienne qu'aurait perpétré le régime de Saddam Hussein en 1987 ont livré jeudi des témoignages émouvants lors du procès à La Haye d'un Néerlandais accusé de complicité de génocide pour des livraisons à l'Irak.

Frans van Anraat, 63 ans, comparaît pour avoir fourni dès 1984 des produits utilisés par le régime de Saddam Hussein, notamment lors du massacre de Kurdes à Halabja, qui a fait quelque 5.000 morts en une journée en 1988. Il est le premier Néerlandais jamais accusé de génocide et la première personne à comparaître pour ce massacre, qui figure sur la liste des crimes reprochés à Saddam Hussein.

Van Anraat est aussi accusé de complicité de crimes de guerre pour les attaques irakiennes contre des villes et des villages kurdes en Irak et en Iran, dont celle contre Sardasht en 1987.

Gader Molanpoor, un Kurde de cette petite ville iranienne, a raconté comment il avait perdu sa femme enceinte et trois enfants à la suite de cette attaque chimique, à laquelle il a échappé car il était dans un village voisin.

"J'ai vu mes enfants, ils ne tenaient pas debout, ils avaient la nausée, vomissaient", a-t-il déclaré. "Ils avaient des problèmes avec leurs yeux et leur peau était brûlée", a-t-il ajouté, au bord des larmes.

Dans les jours suivants, il a vu les membres de sa famille mourir, un par un.

Lui même fut brûlé aux mains en tentant de nettoyer ses enfants, et souffre toujours de problèmes de santé liés aux produits chimiques.

Leila Marouf Zadeh, une assistante sociale de Sardasht, a assuré avoir vu des avions irakiens larguer sur sa ville un produit jaunâtre qui sentait l'ail et la pomme pourrie.

"A l'hôpital, j'ai vu de nombreuses personnes vomir, leur peau était rouge, ils avaient des démangeaisons, puis des cloques, et finalement leur peau virait au noir", a-t-elle raconté. Elle souffre elle-même des yeux et son témoignage a été plusieurs fois interrompu pour lui permettre de prendre les médicaments que requièrent ses différentes affections.

Le procureur avait estimé à l'ouverture du procès le 21 novembre que les attaques aux armes chimiques perpétrées par Bagdad avaient fait "des milliers de morts en Irak et en Iran". Selon lui, "l'accusé est coupable de graves crimes internationaux".

Frans van Anraat ne conteste pas la vente de ces produits, mais assure qu'il ignorait leur utilisation finale.

Visé par une enquête américaine, il avait été arrêté en 1989 en Italie, puis avait fui vers l'Irak où il était resté jusqu'à l'attaque de la coalition conduite par les Etats-Unis en 2003, date à laquelle il s'est réfugié aux Pays-Bas.

Les Etats-Unis ont renoncé en 2000 à leur demande d'extradition, sans explication. De leur côté, les autorités néerlandaises n'avaient pas de raisons de l'arrêter jusqu'à ce qu'il soit accusé de génocide.

La justice néerlandaise peut poursuivre Van Anraat pour génocide en Irak, après un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle en matière de crimes de guerre et de génocide, dès lors que les accusés résident aux Pays-Bas.

Le procès devrait durer encore deux semaines et un jugement est attendu le 23 décembre.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.