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Des soldats turcs en Syrie pour combattre une milice kurde


Dimanche 21 janvier 2018 à 15h00

Hassa (Turquie), 21 jan 2018 (AFP) — Des militaires turcs sont entrés dimanche en Syrie, au deuxième jour d'une offensive contre une milice kurde que le président Recep Tayyip Erdogan espère conclure "en très peu de temps", mais qui suscite l'inquiétude de Paris.

Le Premier ministre turc Binali Yildirim, cité par les médias, a affirmé que des militaires turcs étaient entrés à 11h05 (08H05 GMT) dans la région d'Afrine, contrôlée par les Unités de protection du peuple (YPG), et que l'artillerie d'Ankara continuait de pilonner dimanche.

L'offensive turque, baptisée "Rameau d'olivier", risque de tendre davantage les rapports entre Ankara et Washington: les Etats-Unis soutiennent en effet une coalition arabo-kurde, dont font partie les YPG, pour combattre le groupe Etat islamique (EI).

La ministre française des Armées Florence Parly a exhorté Ankara à cesser son offensive, estimant qu'elle ne pouvait que nuire à la lutte contre les jihadistes.

Cette opération a débuté samedi à 14H00 GMT, avec un bombardement aérien d'envergure mené par 72 appareils qui ont frappé plus de 150 cibles, dont l'aéroport militaire de Minnigh, selon l'armée turque.

Les YPG ont affirmé que dix personnes, pour la plupart des civils, avaient été tuées dans ces frappes. L'armée turque affirme pour sa part n'avoir touché que des "terroristes".

Dans une apparente riposte aux frappes turques, quatre roquettes tirées depuis des zones contrôlées par les YPG se sont abattues dans la nuit de samedi à dimanche sur la ville frontalière turque de Kilis, faisant un blessé léger.

Un correspondant de l'AFP a vu quatre pièces d'artillerie turque faire feu dimanche matin en direction de villages de la région d'Afrine, d'où s'élevaient des colonnes de fumée blanche.

- 'Peu de temps' -

"L'opération Rameau d'olivier se déroule comme prévu, l'offensive terrestre a commencé", a indiqué l'état-major turc dans un communiqué dimanche, ajoutant que 153 cibles, dont des abris et des caches d'armes, avaient été touchées.

"Si Dieu le veut, nous terminerons cette opération en très peu de temps", a déclaré lors d'un discours à Bursa (nord-ouest) M. Erdogan, qui a en outre averti que quiconque manifesterait en Turquie contre l'offensive "paierait un prix très élevé".

Réagissant aux informations faisant état de l'entrée de soldats turcs en Syrie, les YPG ont affirmé avoir repoussé une incursion: "La Turquie voulait entrer à Afrine, mais nous avons repoussé leur attaque", a affirmé un porte-parole des YPG, Birusk Hasakeh.

Ankara accuse les YPG d'être la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une rébellion dans le sud-est de la Turquie depuis plus de trente ans et est considéré par Ankara et ses alliés occidentaux comme une organisation terroriste.

Mais les YPG ont aussi été un allié incontournable des Etats-Unis, partenaires de la Turquie au sein de l'Otan, dans la guerre contre l'EI.

Il s'agit de la deuxième offensive turque dans le nord de la Syrie, après celle lancée en août 2016 pour repousser l'EI vers le sud, mais aussi enrayer l'expansion des combattants kurdes.

A la faveur du conflit syrien qui a fait plus de 320.000 morts depuis 2011, les Kurdes syriens, longtemps marginalisés, ont installé en 2012 une administration autonome à Afrine, un territoire isolé des autres zones contrôlées par les YPG plus à l'est.

- Paris s'inquiète -

L'offensive turque survient dans la foulée de l'annonce, par la coalition internationale anti-jihadistes emmenée par Washington, de la création d'une "force frontalière" composée notamment de guerriers kurdes, un projet qui a suscité la colère d'Ankara.

Cité par les médias turcs, M. Yildirim a indiqué que l'opération turque avait pour but de créer une "zone de sécurité" d'une profondeur de 30 km à partir de la frontière.

Les menaces d'intervention turque avaient suscité l'inquiétude à Washington : "Nous ne pensons pas qu'une opération militaire (...) aille dans le sens de la stabilité régionale", avait averti vendredi le département d'Etat.

L'incursion turque "pourrait détourner les forces combattantes kurdes, qui sont au côté et très engagées au sein de la coalition" combattant l'EI, a souligné Mme Parly.

Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, qui s'est entretenu dimanche matin par téléphone de la situation avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu, a demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU pour "évaluer les risques humanitaires" en Syrie.

Face à cette offensive turque, Moscou a appelé à la "retenue", mais les analystes estiment qu'aucune offensive majeure ne peut être lancée en Syrie sans l'aval de la Russie, qui entretient de bonnes relations avec les YPG.

Par ailleurs, le président syrien Bachar al-Assad a condamné dimanche l'opération turque à Afrine, accusant Ankara de "soutenir le terrorisme".

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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.