Jeudi 25 septembre 2025 à 19h26
Paris, 25 sept 2025 (AFP) — Des "agents" et non des "victimes": l'accusation a requis jeudi des peines allant de 10 ans à 15 ans de réclusion criminelle à l'encontre de trois femmes jugées à Paris pour avoir appartenu au groupe Etat islamique (EI), dont la nièce des frères Clain, qui avaient revendiqué les attentats du 13-Novembre.
"Elles n'ont pas été victimes de la terreur, mais agents de la terreur", a déclaré l'avocat général, Nicolas Braconnay, au sujet des trois accusées jugées depuis le 15 septembre par la cour d'assises spéciale de Paris.
Il a demandé 15 ans et 13 ans de réclusion criminelle respectivement à l'encontre de Christine Allain, 67 ans, mère des jihadistes Kevin Gonot et Thomas Collange, et de sa belle-fille Jennyfer Clain, 34 ans, nièce de Jean-Michel et Fabien Clain, présumés morts en Syrie.
Contre l'autre belle-fille de Mme Allain, Mayalen Duhart, 42 ans, le représentant du Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis dix ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à effet différé, elle qui est sortie de détention provisoire depuis deux ans.
Arrivées en Syrie avec leurs enfants, quatre chacune, juste après la proclamation du "califat" par Abou Bakr al-Baghdadi en juin 2014, elles vivent d'abord à Raqqa.
En 2017, le clan fuit le long de l'Euphrate, devant l'avancée des forces kurdes soutenues par une coalition internationale.
Les trois femmes terminent leur périple à Azaz, près de la frontière turque, dans un camp aux conditions de vie déplorables où les violences sont monnaie courante, ont-elles raconté devant la cour.
Elles refusent de rentrer en France et vivent avec un petit groupe de femmes de l'EI, toutes plus radicales les unes que les autres.
- Excommunications -
Au moindre désaccord, alors qu'elles luttent pour se nourrir, se laver, se chauffer, les excommunications des unes et des autres se succèdent, "dans une surenchère" à qui sera la meilleure musulmane, a souligné l'avocat général.
Les trois accusées sont arrêtés en 2019 avec leurs enfants, et renvoyées en France après un passage en centre de rétention en Turquie.
Un séjour en Syrie long, "qu'aucune des manifestations les plus violentes de la terreur djihadiste n'est venu remettre en cause" et qui a causé un "tort considérable à leurs enfants", note l'accusation.
"Comment peut-on avec un tel acharnement combattre pour sa servitude comme s'il s'agissait de son salut ?" s'est interrogé M. Braconnay.
"Comment se déradicaliser quand on est allé aussi loin dans le fanatisme?", a-t-il poursuivi, rappelant le rôle des femmes et des familles, "au coeur du projet jihadiste colonial de l'EI".
Jennyfer Clain a aujourd'hui "choisi la lumière et mettra toute son énergie à être une bonne citoyenne", a répondu son avocat Me Guillaume Halbique, assurant que sa cliente n'adhérait plus à l'islam radical.
- "Enfer terroriste" -
Les trois femmes se sont converties au début des années 2000 - Jennyfer Clain avait neuf ans -, des conversions "rapides" à "un islam radical".
S'en suit "un lent ancrage de l'idéologie jihadiste" de la famille "qui les a conduit à rejoindre dans l'émerveillement un enfer terroriste" dont elles ne pouvaient ignorer les exactions, selon M. Braconnay.
Comme elles ne pouvaient ignorer non plus les rôles des hommes du clan Clain, hauts placés dans la hiérarchie de l'EI.
Fabien et Jean-Michel Clain étaient en charge de la propagande francophone et avaient revendiqué les attentats du 13-Novembre dans un chant religieux.
Thomas Collange, mari de Mayalen Duhart, travaillait au sein des télécommunications du groupe, et Kevin Gonot, marié à Jennyfer Clain, a combattu à Kobané, rappelle M. Braconnay.
Blessé, il continuait à percevoir des subsides du groupe, preuve de son importance dans la hiérarchie, selon l'accusation.
Christine Allain, arrivée en état de "béatitude" en Syrie, s'était vu confier "une mission" pour recueillir des témoignages sur les accusations de violences dans les maisons pour femmes tenues par l'EI.
Elle dit avoir servi d'interprète à "une amie". Selon son avocat Me Edouard Delattre, les "premiers doutes" de Christine Allain sur le groupe étaient apparus à ce moment-là, l'enquête ne conduisant à aucun changement au sein de l'EI.
"Qu'elle ait pu être recrutée de manière informelle dans une organisation paranoïaque et totalitaire m'étonne", a souligné M. Braconnay.
Verdict attendu vendredi.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.