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Des milliers d'Irakiens commémorent le soulèvement anti-pouvoir de 2019


Samedi 1 octobre 2022 à 11h56

Bagdad, 1 oct 2022 (AFP) — Dans un Irak en pleine impasse politique, des milliers de manifestants se sont rassemblés samedi à Bagdad pour marquer le troisième anniversaire d'un vaste soulèvement anti-pouvoir, lancé contre la corruption des élites et la gabegie des services publics.

La contestation inédite, déclenchée en octobre 2019, s'était propagée jusqu'au sud pauvre majoritairement chiite. Plusieurs mois durant --dans cet Irak riche en pétrole-- des centaines de milliers de manifestants avaient battu le pavé, dénonçant chômage des jeunes, infrastructures en déliquescence et absence de démocratie.

Le mouvement s'était essoufflé sous le coup d'une répression qui avait fait près de 600 morts et 30.000 blessés mais aussi le confinement lié au coronavirus. Trois ans plus tard, rien n'a changé.

Les mêmes grands partis monopolisent toujours la vie politique. Un an après les législatives d'octobre 2021, les barons de la politique s'affrontent toujours sur le choix du prochain Premier ministre.

"Le peuple exige la chute du régime", ont scandé samedi des milliers de manifestants, très jeunes pour la plupart. Brandissant drapeaux irakiens et portraits des "martyrs" de 2019, ils se sont rassemblés sur l'emblématique place Tahrir pour des commémorations chargées de colère, a constaté une correspondante de l'AFP.

Les forces de l'ordre ont tiré plusieurs salves de gaz lacrymogènes et de fumigènes pour empêcher les manifestants de franchir un pont où de hauts murs en béton barraient l'accès à la Zone verte, quartier abritant ambassades occidentales et institutions étatiques.

Les deux camps ont échangé des jets de pierre, d'après la correspondante de l'AFP. Torse nu, le visage parfois masqué par un keffieh pour se protéger de l'inhalation, des jeunes à la silhouette frêle portaient à bout de bras ou sur une épaule un camarade blessé pour l'évacuer des premières lignes.

Les accrochages ont fait 28 blessés chez les manifestants, principalement des cas de suffocation, et 18 dans les rangs des forces anti-émeute, selon un responsable au ministère de l'Intérieur.

- "Affronter le pouvoir" -

"Aujourd'hui, il est indispensable d'affronter le pouvoir", assène le militant Ali al-Habib.

"Tous les ponts et les routes sont bloqués car les autorités ont peur de manifestants" accuse-t-il, fustigeant "les luttes intestines au sein de la classe politique, qui ignore totalement la volonté du peuple".

Les commémorations interviennent dans un contexte tendu, les deux grands pôles du chiisme politique s'affrontant sur la nomination d'un nouveau Premier ministre et d'éventuelles législatives anticipées.

L'influent chef chiite Moqtada Sadr réclame une dissolution immédiate du Parlement. En face, le Cadre de coordination, alliance regroupant des factions chiites pro-iraniennes, veut la mise en place d'un gouvernement avant tout scrutin.

Mercredi, des tirs de roquettes ont visé la Zone verte pendant une séance du Parlement.

Le 29 août, les tensions avaient culminé lorsque des partisans de Sadr avaient affronté l'armée et des hommes du Hachd al-Chaabi, d'ex-paramilitaires pro-Iran intégrés aux troupes régulières, et qui sont politiquement opposés aux sadristes.

Plus de 30 partisans sadristes sont morts dans ces affrontements.

- "Réclamer nos droits" -

"Nous allons continuer à réclamer nos droits. Nous n'allons pas nous taire face à l'injustice", martèle une institutrice s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

Karar Hatem, journalier de 21 ans, se plaint des difficultés du quotidien. "Un jour tu as du travail, un jour non. Les politiciens n'ont rien apporté à l'Irak".

Des centaines d'Irakiens ont également manifesté à Nassiriya, la grande ville du sud marginalisé.

Bien trop absorbés par leurs querelles intestines, les politiciens se montrent impuissants face aux crises multiples qui font vaciller l'Irak.

Il y a les tensions géopolitiques desquelles le pays ne peut s'extirper. L'Iran ou la Turquie, deux grands voisins, bombardent épisodiquement le Kurdistan d'Irak pour y affaiblir des mouvements d'opposition kurdes armés --iraniens ou turcs.

Mercredi, des frappes revendiquées par Téhéran ont ainsi fait 14 morts et 58 blessés.

Après des décennies de conflits, en l'absence de réformes économiques et de grands projets d'infrastructures dans un pays frappé par une corruption endémique, le chômage touche quatre jeunes sur dix.

Et le quotidien des 42 millions d'Irakiens est impacté par les conséquences du changement climatique, sécheresses et pénuries d'eau ne faisant qu'empirer dans ce qui était autrefois la fertile Mésopotamie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.