Page Précédente

Des avocats mettent en cause des policiers turcs dans la mort d'un avocat kurde en 2015


Vendredi 8 février 2019 à 17h32

Diyarbakir (Turquie), 8 fév 2019 (AFP) — Le barreau de Diyarbakir (sud-est de la Turquie) a mis en cause vendredi trois policiers turcs dans la mort du célèbre avocat kurde Tahir Elçi en novembre 2015, en s'appuyant sur une nouvelle reconstitution des faits.

"Actuellement, d'après ce rapport, trois officiers de police sont fortement soupçonnés d'un crime", a déclaré à l'AFP Cihan Aydin, président du barreau de Diyarbakir. "Nous nous attendons à ce que ces policiers soient ajoutés au dossier en qualité de suspects (...) et si les preuves sont suffisantes, que ces personnes soient arrêtées".

Tahir Elçi, à l'époque bâtonnier de l'ordre des avocats de Diyarbakir, principale ville du sud-est à majorité kurde de la Turquie, a été tué le 28 novembre 2015 d'une balle dans la tête lors d'une fusillade entre la police et des hommes armés présentés par les autorités comme des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Il venait de terminer une conférence de presse, dans laquelle il avait appelé à mettre un terme aux combats dans le Sud-Est.

Le gouvernement avait rapidement mis en cause le PKK, une organisation classée "terroriste" par Ankara, mais aucune inculpation n'a eu lieu à ce jour.

Le barreau de Diyarbakir a fait appel en 2016 à l'agence britannique Forensic Architecture, qui produit des analyses notamment pour des groupes de défense des droits de l'Homme et des procureurs internationaux.

Les conclusions de l'agence ont été présentées vendredi lors d'une conférence de presse à Diyarbakir, avec une vidéo d'une vingtaine de minutes reconstituant en 3-D le déroulement des faits lors de la mort de Elçi et réalisée à l'aide d'images de vidéosurveillances et d'images tournées par des journalistes et un policier sur place.

Les images montrent que quarante coups de feu ont été tirés, à la fois par les policiers et deux membres du PKK passant devant eux, mais aussi près de l'endroit où se tenait Tahir Elçi au moment de sa mort.

"Notre enquête à ce stade nous a conduits à conclure que les militants du PKK ne peuvent pas avoir tiré les coups de feu qui ont tué Elçi, et qu'il n'y a pas de preuve qu'il a été tué par une arme à longue portée", une hypothèse un temps évoquée par les autorités, a souligné Forensic Architecture dans un rapport mis en ligne vendredi.

"Ce processus par élimination suggère que l'un des policiers qui ont tiré pendant l'incident peut avoir été à l'origine du coup fatal", poursuit le rapport, isolant trois policiers visibles sur les images.

La mort violente de ce défenseur de la cause kurde avait choqué un pays ensanglanté par la reprise des combats entre forces de sécurité et membres du PKK, un conflit qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.