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Délogé de l'un de ses fiefs, l'EI enregistre une nouvelle défaite en Syrie


Vendredi 14 decembre 2018 à 17h34

Beyrouth, 14 déc 2018 (AFP) — Une force syrienne dominée par les Kurdes et soutenue par Washington a chassé jeudi les combattants du groupe Etat islamique (EI) de leur fief de Hajine, une importante percée dans son offensive d'envergure pour éradiquer l'organisation jihadiste de l'est syrien.

Fer de lance de la lutte antijihadiste dans la Syrie en guerre, des milliers de combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS) avaient donné en septembre l'assaut contre le bastion de l'EI dans la province de Deir Ezzor, près de la frontière irakienne.

Avec ce nouveau revers, l'EI ne contrôle plus que les villages de Soussa et al-Chaafa dans cette région de l'est de Syrie, appelée "la poche de Hajine", le dernier réduit du "califat" autoproclamé en 2014 par le groupe jihadiste sur des régions conquises en Syrie et en Irak voisin.

"Au bout d'une semaine de combats acharnés et de raids aériens, les FDS sont parvenues à chasser l'EI de Hajine", a indiqué Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), une ONG qui s'appuie sur un vaste réseau de sources locales.

L'opération s'est achevée à l'aube, a-t-il précisé, au lendemain du déploiement des FDS dans ce grand village de la vallée du fleuve Euphrate.

Les derniers combattants de l'EI sont désormais confinés dans un réseau de tunnels et à la lisière de Hajine, située à une trentaine de km de la frontière irakienne.

- Mue de l'EI -

Depuis le début de l'offensive le 10 septembre dans ce fief jihadiste, plus de 500 combattants des FDS ont été tués, contre plus de 900 membres de l'EI, selon l'OSDH. Plus de 320 civils ont également péri.

Outre cet ultime réduit, les jihadistes de l'EI se trouvent dans un secteur du désert syrien qui s'étend du centre du pays à la province de Deir Ezzor et où des affrontements sporadiques les opposent aux forces du régime syrien.

L'EI a vu son "califat" auto-proclamé se réduire comme peau de chagrin face à de multiples offensives, après une montée en puissance fulgurante en 2014. Mais l'organisation reste redoutable en raison de sa capacité à frapper fort avec des attentats particulièrement meurtriers dans des pays de la région et à l'étranger.

Elle vient de revendiquer l'attentat au marché de Noël de Strasbourg (est de la France), qui a fait quatre morts et treize blessés mardi.

Au fur et à mesure de ses défaites, l'EI a entamé sa mue vers une autre organisation non moins redoutable, selon des experts. Il s'était préparé à perdre les territoires de son "califat" et est déjà retourné à l'action clandestine.

- "Future insurrection" -

"L'EI avait anticipé sa défaite sur le champ de bataille, la perte de son califat, et s'était préparé en conséquence", a expliqué Bruce Hoffman, professeur à l'université Georgetown aux Etats-Unis. "Des centaines de combattants jihadistes ont pu fuir la Syrie, ont soudoyé des garde-frontières pour entrer en Turquie et, de là, ont disparu. Sous la surface, l'EI a toujours joué le temps long".

Pour Brandon Wallace et Jennifer Cafarella, de l'Institute for the Study of War (ISW), l'EI "a trouvé de nouvelles sources de revenus" et "se prépare à une future insurrection à grande échelle, à la fois en Irak et en Syrie".

En novembre, le leader kurde irakien Massoud Barzani, dont le pays a chassé les jihadistes de l'ensemble des centres urbains, a affirmé que l'EI ne serait pas "aisément" vaincu. "Ils étaient sur terre, maintenant ils sont sous terre".

Le nouveau succès des FDS, coalition dominée par la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG), survient alors que le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé mercredi de lancer dans "les prochains jours" une nouvelle offensive en Syrie contre les forces kurdes.

Vendredi, plusieurs partis politiques des territoires kurdes, dont le Parti de l'Union démocratique (PYD, auquel sont rattachés les YPG), ont dénoncé dans un communiqué les menaces turques, qualifiées de "déclaration de guerre".

Le texte appelle "toutes les composantes et forces du nord et de l'est syrien" à s'unir autour "de programmes stratégiques pour faire face à cette agression".

Déclenchée en mars 2011 par la répression brutale de manifestations pro-démocratie dans le sillage du Printemps arabe, la guerre dévastatrice et complexe en Syrie a fait plus de 360.000 morts et jeté à la rue des millions de personnes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.