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Deir Ezzor en Syrie, une mosaïque d'acteurs et d'intérêts divergents


Vendredi 9 février 2018 à 13h21

Beyrouth, 9 fév 2018 (AFP) — La vaste province syrienne de Deir Ezzor abrite une mosaïque de groupes rivaux, dont les forces prorégime soutenues par la Russie, les forces kurdes appuyées par Washington ainsi que des milices chiites et des jihadistes.

Jeudi, la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis a annoncé avoir tué au moins 100 combattants prorégime, en riposte à une attaque contre ses propres alliés dans la province.

Dans cette province de l'est syrien, où s'affrontent plusieurs entités militaires, les enjeux sont importants.

- Frontières, pétrole, tribus -

Deir Ezzor est entourée par la province de Raqa, au nord, par celle de Homs, à l'ouest, et par l'Irak, à l'est. Le gouvernorat, en grande partie désertique, est coupé en diagonale par l'Euphrate.

A l'est du fleuve, se trouvent le champ pétrolier d'Omar, dont la production d'avant-guerre s'élevait à 30.000 barils par jour, ainsi que l'usine de gaz de Conoco, qui produisait 13 millions de mètres cubes avant 2011, selon le site spécialisé The Syria Report.

Certaines des tribus syriennes les plus influentes, dont celles de Chaaytat et de Bousayra, sont originaires de Deir Ezzor.

- L'EI coincé -

En 2014, le groupe Etat islamique (EI) a envahi une grande partie de la province de Deir Ezzor et de sa capitale éponyme.

Mais fin 2017, les jihadistes perdaient du terrain face à deux offensives parallèles, l'une menée par les forces du régime, soutenues par la Russie et l'autre par l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenue par les Etats-Unis.

Aujourd'hui, pas plus de 800 combattants de l'EI occupent encore quelques petites poches de la province, près de la frontière irakienne, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

- Multitude de groupes armés -

Avec la couverture aérienne russe, les forces loyales au président Bachar el-Assad ont mené une offensive de plusieurs mois contre l'EI en 2017.

Des dizaines de milliers de combattants prorégime contrôlent désormais la moitié ouest de Deir Ezzor ainsi que quelques secteurs à l'est du fleuve.

Parmi ces combattants figurent des membres de tribus, des combattants irakiens et iraniens basés à Boukamal près de la frontière avec l'Irak.

Des miliciens afghans chiites sont, quant à eux, stationnés dans la ville de Mayadine, tandis que les combattants du Hezbollah libanais sont dispersés à travers la province.

Le principal intérêt du régime, selon Hassan Hassan, chercheur à l'Institut Tahrir basé à Washington, est territorial. "Pour le régime, l'objectif est de récupérer toute la Syrie".A cette fin, le régime se rapproche des tribus pour jeter les bases d'un retour.

- Alliance soutenue par Washington -

A l'est de l'Euphrate, sont stationnées des milliers de membres des FDS.

Avec les bombardements menés par les États-Unis, les FDS ont réussi, à l'été 2017, à évincer l'EI de la moitié est de la province de Deir Ezzor, y compris du champ pétrolier d'Omar et de l'usine de Conoco.

La priorité dans cette zone est de sécuriser la frontière irakienne contre une éventuelle résurgence de l'EI.

"Les FDS et les Américains pensent qu'ils sont les mieux placés pour combattre l'EI et l'empêcher de revenir, ils ne pensent pas que le régime soit assez fort pour mener cette mission", estime M. Hassan.

- Frictions croissantes -

En 2017, Washington et Moscou sont convenus d'une "ligne de déconfliction" le long de l'Euphrate pour empêcher tout affrontement entre les forces anti-EI.

Mais les FDS ont accusé maintes fois la Russie de les bombarder.

Dans le dernier accrochage en date, la coalition internationale a bombardé dans la nuit de mercredi à jeudi des forces prorégime pour repousser une attaque contre une base des FDS où se trouvaient des conseillers militaires américains, selon les Etats-Unis.

Même s'il ne peut pas mener une offensive décisive contre les FDS, le régime attaque ses positions pour montrer qu'il a encore un rôle à jouer, estime Hassan Hassan. "Pour le régime, chaque jour qui passe permet aux Américains de consolider leur présence dans cette zone et complique son éventuel retour".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.