Mardi 22 octobre 2019 à 14h11
Hassaké (Syrie), 22 oct 2019 (AFP) — Dans un hôpital de la ville syrienne de Hassaké (nord-est), une infirmière soigne les blessures d'un combattant kurde dont le visage a été brûlé dans la bataille pour freiner l'avancée des forces turques.
"Mes fossettes étaient comme les vôtres, mais j'en ai perdu une", dit Souleiman Qahraman à l'infirmière, esquissant un faible sourire pour ne pas trop réveiller la douleur de son visage brûlé.
"Désormais, je n'en ai plus qu'une", dit le patient âgé de 19 ans en référence à la partie indemne de son visage, faisant rire ses compagnons de lutte.
Comme lui, ses camarades victimes de brûlures ont été blessés dans les combats contre les forces turques et leurs supplétifs syriens, qui ont lancé une offensive le 9 octobre dans le nord-est de la Syrie frontalière avec la Turquie, en suspens depuis une trêve annoncée le 17 octobre.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), l'offensive turque a tué plus de 250 combattants du côté des Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) qu'Ankara considère comme "terroriste", et en a blessé de nombreux autres.
M. Qahraman raconte qu'il dormait quand sa position proche de la ville frontalière de Ras al-Aïn a été visée par un bombardement turc. "Depuis, je ne sens plus rien", affirme-t-il.
"Quand je me suis réveillé, mon corps était entièrement brûlé et couvert de sang. Les flammes dévoraient tout", dit-il, ajoutant qu'il est le seul de ses compagnons à avoir survécu.
Les autorités autonomes de la minorité kurde syrienne ont accusé la Turquie d'utiliser des armes non conventionnelles, comme le napalm, une allégation démentie par Ankara. L'OSDH, qui dispose d'un vaste réseau de sources sur le terrain syrien, n'a pas été en mesure d'en confirmer l'usage.
"Je n'avais jamais vu de telles armes auparavant", poursuit le patient, qui a combattu les jihadistes à l'est de la Syrie en début d'année, ainsi que les supplétifs syriens d'Ankara en 2018.
- "Défendre notre dignité" -
L'offensive turque a été lancée après une déclaration du président américain Donald Trump annonçant le retrait des troupes américaines du nord-est de la Syrie, où elles soutenaient les FDS dans leur lutte contre les jihadistes.
Les FDS ont perdu 11.000 combattants dans les combats contre le groupe Etat islamique (EI) et ont perçu le retrait américain comme une trahison.
Irdal Walid, 19 ans, allongé sur un lit adjacent, a le visage émaillé d'éclats d'obus.
Sur son téléphone, il regarde une vidéo le montrant avec ses amis en train de capturer un char turc.
"Mon père m'a demandé de défendre notre dignité et la dignité de notre pays", dit le patient.
"La seule chose à laquelle je pense est de retourner sur le front pour défendre mon pays et me tenir auprès de mes camarades contre l'armée turque", poursuit-il.
Une trêve de 120 heures négociée par les Etats-Unis est entrée en vigueur jeudi soir impliquant le retrait des forces kurdes d'une zone frontalière.
Dimanche, les FDS se sont retirées de la ville de Ras al-Aïn assiégée par les forces turques, que M. Qahraman s'était battu pour défendre.
Mais depuis leur chambre d'hôpital, les combattants blessés refusent d'abandonner.
Ali Sheer, 21 ans, a perdu un bras dans une embuscade pendant qu'il défendait Ras al-Aïn.
"J'ai perdu mon bras car nous défendons notre terre avec nos corps. Je suis fier de ça", affirme-t-il.
"Je vais essayer de le faire remplacer par une prothèse et de retourner combattre", dit il.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.