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Dans l'ultime village kurde avant les lignes turques, une vie "insoutenable"


Jeudi 25 octobre 2007 à 09h40

DASHTETAKH (Irak), 24 oct 2007 (AFP) — Dans l'ultime village du Kurdistan irakien avant les lignes turques, les derniers habitants qui s'accrochent à leurs terres n'en peuvent plus.

"La situation est insoutenable", explique Mikhail Gouriel, le maire-adjoint de Dashtetakh.

A deux kilomètres de là, en surplomb de ce petit bourg chrétien peuplé de chaldéens, les redoutes de l'armée turque sont visibles à l'oeil nu. Un drapeau turc rouge frappé d'un croissant blanc est dessiné sur le flanc de la montagne.

"Tous les jours les militaires turcs tirent des obus de mortier", poursuit le maire, en montrant un "no man's land" qui sépare son village des lignes turques, la zone frontalière où coule la rivière Hizel. "C'est interdit à tous, sous peine de peine mort", assure Mikhail Gouriel.

"Ils disent qu'ils visent le PKK, mais ils ne sont pas venus ici depuis au moins un an", affirme-t-il, en référence aux rebelles du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), que la Turquie veut éliminer du nord de l'Irak.

Perdu dans une vallée entourée de hautes cimes où trônent de nombreux postes d'observation turcs, le village, de 250 habitants en temps normal, est quasi désert.

"Les femmes et tous les enfants sont partis se réfugier à Zakho (une ville voisine), car ils avaient peur des bombardements. Il ne reste que 10 à 15 hommes et quelques très rares femmes", assure encore le maire.

Dans la journée, les hommes travaillent dans les champs, mais la nuit ils restent terrés chez eux, par peur des obus, qui peuvent les surprendre à tout moment. "Cette année la récolte a été perdue car nos prairies ont été incendiées par les tirs de l'armée turque", se plaint un paysan.

Les maisons du village sont de simples casemates mises à la disposition des habitants par le gouvernement régional du Kurdistan.

"Nous sommes tous des réfugiés chrétiens venus de Bagdad ou de Bassorah (sud)", explique Petro Chalmon, originaire du sud de l'Irak. "Nous avons fui le terrorisme et maintenant ce sont les Ottomans (les Turcs) qui nous attaquent", s'indigne-t-il.

"Ici, c'est le bout du monde il n'y a pas d électricité, pas de gaz, nous avons des générateurs qu'on ne fait marcher que quelques heures par jour par mesure d'économie", renchérit Mikhail Gouriel, blessé pendant la guerre contre l'Iran.

Assis dans sa maison, où il a accroché une photo du pape Benoît XVI, il n'a pas de mots assez durs contre le gouvernement central de Bagdad: "Ils ne font rien pour nous, pour régler la situation face au Turcs, ils pensent certainement qu'ici ce n'est pas l'Irak et que nous ne sommes pas des Irakiens".

Occupée à faire son jardin devant sa maison, Nadina Moussa est l'une des trois femmes restées à Dashtetakh.

"Nous avons tous peur des Turcs, mais où aller? C'est le village de nos ancêtres, nous sommes revenus pour le meilleur et pour le pire", dit-elle en arabe, ne parlant pas un seul mot de kurde. Elle s'occupe, avec les autres femmes, de "nourrir les hommes".

Nadina espère que si la situation s'arrange dans cette petite vallée, "les femmes et les enfants reviendront, et que l'école rouvrira ses portes. Et si la situation s'améliore un jour à Bagdad, alors nous y retournerons".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.