Page Précédente

D'anciens responsables militaires accusent Trump d'avoir "abandonné" les Kurdes


Jeudi 10 octobre 2019 à 06h47

Washington, 10 oct 2019 (AFP) — Donald Trump se retrouve sous le feu des critiques d'anciens combattants de l'armée américaine pour avoir "abandonné" les Kurdes, alliés des Américains, en retirant des troupes du nord de la Syrie, près de la frontière turque, ouvrant ainsi la voie à une offensive d'Ankara.

La Turquie a lancé mercredi son assaut annoncé de longue date, quelques heures seulement après l'annonce par Donald Trump que les "50 soldats" américains concernés avaient bien "quitté" la zone, laissant les Kurdes - considérés par Ankara comme une menace - exposés.

L'ancien chef des forces américaines au Moyen-Orient, le général Joseph Votel, a accusé le président américain d'abandonner des alliés qui, en formant la majorité des Forces démocratiques syriennes (FDS), ont été cruciaux contre le groupe Etat islamique (EI).

"Cette politique d'abandon menace de défaire cinq années de combat contre l'EI et va sérieusement atteindre la crédibilité et la fiabilité des Américains dans toutes les batailles futures dans lesquelles nous aurons besoin d'alliés forts", a écrit le général, qui a pris sa retraite cette année.

"Les FDS ont libéré des dizaines de milliers de kilomètres carrés et des millions de personnes des griffes de l'EI. Durant les combats, elles ont déploré 11.000 victimes", a-t-il rappelé dans le magazine The Atlantic.

En comparaison, note M. Votel, seuls six soldats et deux personnels civils américains ont été tués.

- Désastre -

Donald Trump a depuis longtemps déclaré vouloir mettre un terme à l'engagement des Etats-Unis en Syrie. Il a aussi défendu que son pays ne pouvait rien contre la haine que se vouent les Turcs et les Kurdes.

Il a suggéré mercredi avoir suffisamment aidé les Kurdes en dépensant "des sommes considérables" afin notamment de leur fournir de l'armement. "Ceci étant dit, nous aimons les Kurdes", a-t-il ajouté.

Malgré les arguments du président, Mark Hertling, ancien commandant des forces terrestres américaines en Europe, a estimé que la décision de Donald Trump "présage(ait) un désastre à venir pour les Etats-Unis".

"Les Kurdes des FDS --nos anciens alliés de confiance dans la lutte contre l'EI-- sont attaqués par un allié de l'OTAN, la Turquie", a-t-il écrit sur Twitter. "Les répercussions pour les Etats-Unis et l'OTAN seront durables et au détriment de la sécurité de l'Europe et du monde."

Selon des responsables du Pentagone, les Kurdes étaient mieux entraînés que les soldats turcs ou irakiens, par exemple, pour mener des campagnes visant à reprendre d'importantes villes des mains de l'EI.

"Lorsque l'armée irakienne s'est effondrée, les Kurdes sont ceux qui ont pris de plein fouet l'attaque de l'EI contre notre civilisation, pas nous, pas les Turcs", a rappelé Ruben Galledo, élu démocrate et ancien combattant en Irak.

"Abandonner les Kurdes est un autre rappel frappant que +l'Amérique d'abord+ signifie +l'Amérique seule+", a-t-il tweeté.

"En dehors d'Israël, notre allié le plus fort et le plus important au Moyen-Orient ont été les Kurdes... et nous avons perdu cela", a-t-il déploré, soulignant que les Etats-Unis ne pourraient désormais plus présumer d'un certain niveau de confiance de la part de ses alliés.

- Intérêts américains -

Certains ont dressé un parallèle avec de précédentes guerres dans lesquelles les Américains ont finalement laissé un allié se débrouiller seul, dont les gouvernements du Laos et du Sud-Vietnam dans les années 1970.

La sénatrice républicaine Martha McSally, ancienne pilote de l'armée de l'Air déployée au Moyen-Orient six fois, a estimé que la décision de laisser à la Turquie le champ libre était simplement "mauvaise".

"Les FDS, nos alliés kurdes, ont été ceux qui ont payé un lourd prix", a-t-elle déclaré sur Fox Radio. "Ils sont ceux qui ont renversé le califat" de l'EI.

Malgré tout, certains membres de l'armée américaine soutiennent le président dans sa volonté de retirer les soldats de conflits interminables.

Selon Dan Caldwell, du lobby Concerned Veterans For America, Donald Trump ne souhaite que faire passer les intérêts de son pays en priorité.

"Il n'est pas dans notre intérêt de nous retrouver au milieu d'un conflit ancien entre la Turquie et les Kurdes de Syrie, qui est antérieur à l'émergence de l'EI et à la guerre civile en Syrie", a-t-il déclaré à l'AFP.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.