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Crise politique en Irak: des manifestants pro-Sadr investissent le Parlement


Mercredi 27 juillet 2022 à 19h37

Bagdad, 27 juil 2022 (AFP) — Des partisans de l'influent leader chiite Moqtada Sadr ont investi mercredi le Parlement en pénétrant dans l'ultra-sécurisée zone verte abritant à Bagdad institutions gouvernementales et ambassades, pour dénoncer la candidature au poste de Premier ministre présentée par le camp politique adverse.

Le Premier ministre Moustafa al-Kazimi a appelé les manifestants à "se retirer immédiatement" de la zone verte, avertissant dans un communiqué que les forces de l'ordre veilleraient "à la protection des institutions étatiques et des missions étrangères, et empêcheraient toute atteinte à la sécurité et à l'ordre".

L'impasse politique est totale en Irak dix mois après les législatives d'octobre 2021. Les tractations pour former un gouvernement et nommer un Premier ministre piétinent, sur fond de marchandages interminables et joutes verbales entre les barons de la politique qui dominent la vie publique depuis la chute du président Saddam Hussein en 2003.

Mercredi, une fois entrés dans la zone verte, les manifestants se sont dirigés vers le Parlement mais la police a tiré des gaz lacrymogènes pour entraver leur progression, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire.

Mais les manifestants sont revenus à la charge et "ont investi le Parlement", a indiqué à l'AFP ce responsable du ministère de l'Intérieur s'exprimant sous couvert de l'anonymat.

Les contestataires ont déambulé dans les couloirs du bâtiment après avoir investi le hall intérieur, brandissant des drapeaux irakiens et applaudissant, a rapporté un correspondant de l'AFP sur place.

Des responsables du Courant sadriste, dont Hakem al-Zameli, un député démissionnaire, se sont rendus sur place pour demander aux manifestants de se retirer, selon le responsable du ministère de l'Intérieur.

- "Corrompus au pouvoir" -

Un correspondant de l'AFP dans la zone verte avait auparavant vu des contestataires transporter l'un des leurs, légèrement blessé après les tirs de gaz lacrymogènes.

Avant d'investir la zone verte, un quartier en plein coeur de Bagdad aux entrées surveillées, où journalistes et visiteurs doivent être munis d'un badge pour y accéder, les manifestants se sont rassemblés en fin d'après-midi sur une place du centre de la capitale, brandissant des drapeaux irakiens et des portraits de Moqtada Sadr.

Les manifestants dénoncent la candidature au poste de Premier ministre de Mohamed Chia al-Soudani, ancien ministre et ex-gouverneur de province âgé de 52 ans.

Il est le candidat du "Cadre de coordination", alliance de factions chiites pro-Iran regroupant la formation de l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki et les représentants du Hachd al-Chaabi, ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières.

"Je suis contre les corrompus qui sont au pouvoir", a lancé le manifestant Mohamed Ali, travailleur journalier de 41 ans. "Je suis contre la candidature de Soudani, car c'est un corrompu qui fait partie du camp de Maliki", a-t-il fustigé.

Le Cadre de coordination regroupe certains adversaires de Moqtada Sadr, notamment son ennemi de longue date Nouri al-Maliki.

M. Sadr, faiseur de roi en Irak et joueur incontournable de la scène politique, rappelle régulièrement à ses adversaires qu'il continue de jouir d'un fort soutien populaire dans la rue. A la mi-juillet, il avait ainsi mobilisé des centaines de milliers d'Irakiens pour une prière collective du vendredi à Bagdad.

Adepte des coups d'éclats, il n'est plus représenté au Parlement: il a fait démissionner en juin ses 73 députés, qui représentaient pourtant la première force au sein du Parlement de 329 députés.

La paralysie politique est totale, puisque depuis dix mois le pays attend non seulement la nomination d'un nouveau Premier ministre mais aussi d'un Président de la République.

Ce poste revient traditionnellement à un Kurde, mais sur ce dossier il y a aussi blocage: les deux grands partis kurdes historiques n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un candidat.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.