Samedi 11 mars 2006 à 12h55
ISTANBUL, 11 mars 2006 (AFP) — De nombreux intellectuels turcs et kurdes se sont réunis samedi à Istanbul pour chercher une solution pacifique au vieux conflit kurde en Turquie alors que le pays négocie son adhésion à l'Union européenne.
Baptisée "La question kurde de la Turquie, la recherche d'une solution démocratique", la conférence qui doit durer deux jours s'est ouverte sous haute sécurité, des groupes ultranationalistes ayant menacé de perturber les réunions.
Il ne s'agit pas de la première rencontre de ce genre mais de par le nombre des participants et les sujets abordés --l'histoire du conflit, le rôle des femmes et des médias dans une solution et la montée du nationalisme en Turquie-- elle est la plus importante de ces dernières années, selon les organisateurs, constitués d'universitaires, de politiciens et de journalistes.
Des policiers ont fouillé les participants à l'entrée du campus de l'université Bilgi où se déroulent les discussions alors que de nombreux policiers anti-émeutes étaient déployés dans les environs.
"Des groupes ultranationalistes ont menacé de saboter la conférence", a expliqué à l'AFP Ercan Karakas, ancien ministre de la Culture impliqué dans le projet.
Seul un petit groupe de nationalistes de gauche a manifesté pacifiquement pour dénoncer la conférence.
Une cinquantaine d'intellectuels devraient prendre la parole.
La question kurde reste un sujet sensible en Turquie alors que ce pays a entamé en octobre des pourparlers d'intégration à l'UE.
"Il est certain que l'UE a joué un important rôle pour que nous puissions discuter de ce problème aujourd'hui", a affirmé M. Karakas, connu pour son franc parler en faveur des droits des Kurdes.
"En dépit de certains pas en faveur des kurdes, le problème reste entier", a-t-il estimé.
Mais il a reconnu que des progrès avaient été réalisés dans la société pour parler du conflit kurde, autrefois sujet tabou.
"Une telle conférence il y a 20 ans aurait été impensable", a-t-il affirmé.
La question kurde, 12 millions de personnes sur 72 millions de Turcs, est sensible, en raison notamment de la rébellion armée du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) qui a pris les armes contre Ankara en 1984.
Le conflit a fait environ 37.000 morts, des milliers de déplacés et a conduit de part et d'autre à des allégations de violations des droits de l'homme, telles que l'usage systématique de la torture ou l'incendie de villages dans le sud-est anatolien peuplé majoritairement de Kurdes par les forces turques.
La Turquie, qui a octroyé certains droits aux Kurdes, a placé le respect des droits de l'Homme sur la liste de ses priorités mais les Kurdes en revendiquent davantage, comme l'enseignement de leur langue dans les écoles publiques.
Ismail Besikci, sociologue et écrivain turc plusieurs fois emprisonné en faveur de ses prises de positions pro-Kurdes, a déploré lors de son intervention le fait que les Kurdes tout au long de leur histoire aient été considérés comme "une source de problème" par les pays de la région où ils sont dispersés, dont la Turquie.
L'ensemble des panélistes ont appelé en outre le PKK à renoncer à la violence.
Sertaç Bucak, un défenseur des droits des Kurdes, a exhorté les rebelles à déposer les armes afin qu'une "solution fédérale" puisse être trouvée au conflit à l'instar d'autres pays européens frappés autrefois par le séparatisme nationaliste comme l'Espagne.
"La violence engendre la violence et ne bénéficie qu'à ceux qui tirent profit des combats," a-t-il souligné.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.