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"Comme des animaux": un survivant du pire naufrage de migrants en Manche témoigne à Londres


Mardi 4 mars 2025 à 16h06

Londres, 4 mars 2025 (AFP) — Un Somalien, survivant du pire naufrage de bateau de migrants dans la Manche avec au moins 27 morts en novembre 2021, a accusé mardi devant une commission d'enquête britannique les secours de ne pas les avoir sauvés parce qu'ils étaient des "réfugiés".

Auditionné pendant près de trois heures, Issa Mohamed Omar a raconté cette nuit du 23 au 24 novembre 2021. Il était interrogé par vidéo par les responsables d'une enquête publique sur le naufrage, qui a démarré ses auditions lundi à Londres.

"Si les secours étaient arrivés rapidement, la moitié (des victimes) seraient encore en vie aujourd'hui", a dit cet homme de 31 ans.

"Nous avons été considérés comme des réfugiés, c'est la raison pour laquelle je crois que les secours ne sont pas venus du tout", estime cet homme, qui a eu l'impression que lui et les autres passagers du bateau avaient "été traités comme des animaux".

Ce naufrage avait aiguisé les tensions entre Paris et Londres qui se sont rejetés mutuellement la responsabilité.

L'enquête publique britannique, qui se concentre sur le rôle des autorités britanniques et devrait aboutir à des recommandations, se déroule en parallèle des procédures judiciaires françaises.

Dans l'enquête pénale en France, sept militaires ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger. Onze passeurs présumés sont également poursuivis.

Vingt-sept corps ont été retrouvés après ce naufrage, principalement des Kurdes d'Irak. Parmi les victimes, on compte sept femmes et une fillette de sept ans. Quatre personnes sont portées disparues.

Selon plusieurs sources, ils étaient 33 à bord de l'embarcation de fortune. Mais Issa Mohamed Omar est "100% sûr" qu'ils étaient davantage. "Des enfants n'ont pas été comptés", a-t-il affirmé. "Le bateau était très chargé".

Il y avait, selon lui, 14 adultes de chaque côté de l'embarcation, et les familles avec enfants au milieu.

Pendant environ 1H30, un bateau des garde-côtes français les a "suivis", sans engager de dialogue, a-t-il raconté.

Ils ont commencé à couler plus tard, "aux alentours de 02H00", estime Issa Mohamed Omar. Au téléphone, les passeurs assuraient aux migrants qu'ils n'étaient plus qu'à 2 ou 3 kilomètres de Douvre, en Angleterre, se souvient-il.

Issa Mohamed Omar évoque de nombreux appels passés aux secours britanniques, en vain. "La plupart du temps", personne ne répondait.

Il a raconté "les cris" dans l'obscurité. "Plusieurs personnes se sont noyées très rapidement une fois que nous avons chaviré".

Quand le soleil s'est levé, une dizaine de migrants étaient encore en vie, selon lui.

Il a été secouru par des pêcheurs français après plus de dix heures dans l'eau.

Seulement deux passagers ont survécu, lui et un autre homme.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.