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Colère d'Ankara après la décision américaine d'armer les Kurdes syriens


Mercredi 10 mai 2017 à 12h35

Istanbul, 10 mai 2017 (AFP) — La Turquie a laissé éclater sa colère mercredi contre la décision "inacceptable" des Etats-Unis d'armer des milices kurdes en Syrie, celles-ci saluant une initiative qui va "accélérer la défaite" du groupe Etat islamique (EI).

Cet excès de tension entre Washington et Ankara survient alors que le président américain Donald Trump doit recevoir mercredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, en mission pour obtenir le soutien de Washington à un projet censé faire baisser les violences en Syrie.

La décision de la Maison Blanche d'autoriser le Pentagone à armer les Unités de protection du peuple kurde (YPG), qu'Ankara considère comme un groupe "terroriste", a été annoncée mardi, à une semaine d'un déplacement du président turc Recep Tayyip Erdogan à Washington.

"Fournir des armes aux YPG est inacceptable", a tonné mercredi le vice-Premier ministre turc Nurettin Canikli, premier responsable turc à réagir à la décision américaine. "Nous espérons que l'administration américaine mettra un terme à cette erreur", a-t-il ajouté.

Les YPG sont la principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes considérée par Washington comme la force locale la plus efficace pour mener rapidement l'assaut contre Raqa (nord de la Syrie) afin de porter un coup décisif à l'EI.

Mais Ankara considère ce groupe comme l'extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation séparatiste qui livre une sanglante lutte armée contre Ankara depuis 1984, et est classée "terroriste" par la Turquie et ses alliés occidentaux.

"Les YPG et le PKK sont des groupes terroristes, il n'y a aucune différence entre eux. Et chaque arme qui leur parvient représente une menace pour la Turquie", a déclaré mercredi le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu.

Ce dossier empoisonne depuis plusieurs mois les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, deux membres importants de l'Otan et de la coalition internationale qui combat les jihadistes, et illustre la complexité du conflit syrien, notamment dans le nord du pays.

Ankara et Moscou, qui restent opposés en Syrie mais coopèrent de plus en plus, ont parrainé la semaine dernière un mémorandum créant des "zones de désescalade" pour faire baisser la violence en Syrie, où le conflit a fait plus de 320.000 tués depuis 2011.

- Décision 'importante' -

Les FDS, qui ont lancé en novembre une opération pour isoler Raqa, avec le soutien aérien et logistique de Washington, ont salué au contraire mercredi une décision "importante" de la Maison Blanche qui va "accélérer la défaite du terrorisme".

L'annonce "officielle de ce soutien est le résultat de la grande efficacité des YPG et l'ensemble des FDS dans les combats contre le terrorisme" en Syrie, a déclaré à l'AFP Talal Sello, porte-parole des FDS.

Cette décision sonne toutefois comme une désillusion pour la Turquie, où l'élection de M. Trump avait suscité l'espoir d'un changement de position vis-à-vis des milices kurdes, que l'administration Obama avait déjà décidé de soutenir pour contrer l'expansion jihadiste.

M. Erdogan a récemment déclaré qu'il espérait écrire une "nouvelle page" des relations turco-américaines avec M. Trump, et indiqué qu'il tenterait, lors de son déplacement à Washington, de dissuader le président américain de s'appuyer sur les milices kurdes pour déloger l'EI de Raqa.

Le président turc a été précédé à Washington par une délégation constituée de son chef d'état-major, de son porte-parole et du patron du Renseignement turc. Ces deux derniers se trouvaient d'ailleurs encore aux Etats-Unis au moment de l'annonce de la décision de la Maison Blanche.

Ankara a lancé le 24 août 2016 une offensive dans le nord de la Syrie afin de repousser les jihadistes vers le sud, mais aussi pour empêcher la jonction des différentes zones contrôlées par les YPG dans le nord syrien.

La Turquie redoute notamment de voir les groupes kurdes étendre leurs territoires dans le nord de la Syrie, à la frontière turque, et s'est toujours refusée à faire partie d'une offensive contre Raqa à laquelle participeraient les YPG.

Manifestation de ce désaccord sur la question des milices kurdes, l'aviation turque a bombardé le mois dernier des combattants des YPG dans le nord de la Syrie, faisant plusieurs morts.

Quelques heures avant l'annonce sur la fourniture d'armes aux YPG, le secrétaire américain à la Défense Jim Mattis avait déclaré à Copenhague que les Etats-Unis allaient associer la Turquie aux opérations militaires pour reprendre Raqa.

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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.