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Ces Iraniennes tombées face au régime


Mercredi 5 octobre 2022 à 10h45

Paris, 5 oct 2022 (AFP) — Dans une vidéo enregistrée sur son téléphone peu avant de participer à une manifestation en Iran, Hadis Najafi, 22 ans confiait espérer que dans quelques années elle pourrait se dire "satisfaite d'avoir contribué au changement".

Tuée dans une manifestation à Karaj, près de Téhéran, le 21 septembre, elle est devenue comme plusieurs autres femmes une des martyres de la répression du régime.

Selon l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, une centaine de personnes ont été tuées en Iran depuis le 16 septembre, date du décès de Mahsa Amini, 22 ans elle aussi, arrêtée à Téhéran pour "port de vêtements inappropriés" en raison d'un voile couvrant insuffisamment ses cheveux au regard de la police des moeurs.

Amnesty International dit avoir identifié 52 des tués, donc cinq femmes et six enfants. Hadis Najafi a été atteinte par des tirs à courte portée, avec des blessures de chevrotine au visage, au cou et à la poitrine, selon Amnesty.

Face aux slogans contre le régime et aux scènes de femmes arrachant leur voile, obligatoire en République islamique, les forces de sécurité ont réagi par un usage de force létale qui pose la question de l'intention de tuer, estime l'organisaton de défense des droits humains.

"Nous avons perdu Hadis mais nous n'avons peur de rien", affirme sa soeur dans une vidéo enregistrée par la famille.

"Ma fille a été assassinée pour le voile, pour Mahsa Amini", ajoute sa mère dans cette vidéo.

Les femmes tuées dans la répression n'avaient aucun engagement politique connu et sont descendues dans la rue pour participer à une mobilisation qui leur paraissait offrir pour la première fois une lueur d'espoir, selon les témoignages de leurs proches.

"Les femmes ont été en première ligne de ce mouvement et la toute première manifestation a été organisée par des femmes kurdes", souligne Roya Boroumand, directrice du centre Abdorrahman Boroumand (ABC) à Washington, qui milite pour les droits humains en Iran.

Les funérailles de Mahsa Amini, dans sa ville de Saqqez, au Kurdistan iranien (nord-ouest), ont donné lieu aux premières scènes de femmes retirant leur voile, un tabou pour la République islamique.

Les forces de sécurité "n'ont pas attendu que le mouvement devienne incontrôlable pour tirer, ajoute Roya Boroumand.

- Tête nue -

Minou Majidi, 62 ans, a été tuée par balle lors d'une manifestation le 20 septembre à Kermanchah (nord-ouest), selon l'organisation kurde de défense des droits humains Hengaw, basée en Norvège.

Sur des images devenues virales, une de ses filles pose à côté de sa tombe tête nue, les cheveux coupés.

Ghazaleh Chelavi, 32 ans, une passionnée d'alpinisme, a été abattue le même jour à Amol, près de la mer Caspienne (nord), selon plusieurs boucles de communication sur les réseaux sociaux publiant des vidéos de ses funérailles.

Toujours le 20 septembre, Hannaneh Kia, 23 ans, a été tuée à Nowshahr, dans la même région, selon sa famille et des activistes. Deux de sas amis ont rapporté à Amnesty International qu'elle avait été touchée par balle alors qu'elle rentrait d'un rendez-vous médical.

Sarina Ismaïlzadeh, de Karaj, comme Hadis Najafi, n'avait elle que 16 ans quand elle a succombé à des coups de matraque à la tête le 23 septembre, a affirmé Amnesty.

Nika Shahkarami, 16 ans également, a disparu le 20 septembre après être allée participer à une manifestation à Téhéran, a indiqué sa tante Atash Shahkarami sur les réseaux sociaux.

Ce n'est que le 1er octobre que la famille a été autorisée à voir son corps, pour l'inhumer dans sa ville de Khorramabad (ouest) le jour de son 17ème anniversaire, a précisé sa tante.

Cependant, selon la BBC en persan et le média Iran Wire les autorités l'ont enterrée secrètement lundi dans un autre village pour éviter que ses funérailles ne déclenchent de nouvelles manifestations.

"Ce n'est pas fini", estime Roya Boroumand. "Tant que les gens descendront dans la rue, ils continueront à les arrêter et à leur tirer dessus et la population n'a pas d'autre canal pour exprimer son mécontentement".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.