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Belgique: un policier jugé pour la mort par balle d'une fillette kurde


Samedi 21 novembre 2020 à 06h47

Bruxelles, 21 nov 2020 (AFP) — Un policier belge comparaît lundi devant le tribunal de Mons (sud) pour répondre de la mort d'une fillette kurde de deux ans, mortellement blessée pendant une course-poursuite, une affaire devenue un symbole de la "criminalisation" des migrants dénoncée par les ONG.

Accusé d'homicide involontaire, le policier est jugé avec deux Kurdes d'Irak, le chauffeur de la camionnette où se trouvaient Mawda et ses parents, et le passeur soupçonné de les avoir fait monter à son bord pour rejoindre l'Angleterre.

L'audience doit durer deux jours, lundi et mardi. Le tribunal correctionnel devrait ensuite mettre son jugement en délibéré.

Les faits remontent à la nuit du 16 au 17 mai 2018, sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles. Une camionnette transportant une trentaine de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) avait tenté d'échapper à vive allure à une voiture de police qui voulait l'intercepter.

Face au refus d'obtempérer, l'un des policiers avait sorti son arme par la fenêtre et visé, selon ses explications, "le pneu avant gauche" en doublant.

Mais un brusque coup de volant de son collègue avait dévié son tir vers l'habitacle du véhicule pourchassé, où Mawda installée derrière le chauffeur, avait été touchée d'une balle dans la tête. Elle était décédée dans l'ambulance.

- "Epouvantable" -

Dans ce dossier, le policier auteur du tir, qui comparaît libre, a rapidement reconnu avoir sorti son arme pour stopper la course folle du véhicule.

Mais il assure n'avoir jamais su que des migrants se trouvaient à bord et s'est dit "anéanti" par la mort de fillette.

"Avoir l'image de celui qui est responsable de la mort d'un enfant, c'est absolument épouvantable", dit à l'AFP son avocat, Me Laurent Kennes.

"Il a l'impression de tout prendre dans la figure, de porter le poids des erreurs du parquet, de la politique migratoire", ajoute le pénaliste.

Le démarrage de l'enquête a été chaotique. Le procureur qui en était chargé a d'abord été évasif sur la question du tir par un policier. Il a évoqué l'hypothèse d'une personne armée à bord de la camionnette, ce qui a ensuite été démenti.

De leur côté, les parents de Mawda, partis d'Irak en 2015 (à moins de 25 ans) avec le projet initial de s'établir au Royaume-Uni, se sont installés en Belgique après le drame.

Parties civiles dans la procédure, ils sont défendus par un trio d'avocats et aidés par un collectif citoyen qui a mobilisé des célébrités sur les réseaux sociaux pour une campagne baptisée #Justice4Mawda.

- "Cachée sous le tapis" -

"Quelles circonstances peuvent justifier de tirer sur une camionnette remplie de passagers?", s'est indigné dans une vidéo le cinéaste britannique Ken Loach.

Le cofondateur des Pink Floyd, Roger Waters, a appelé à "faire du bruit" pour que la mort de Mawda ne soit pas "cachée sous le tapis".

Les migrants fuient souvent une guerre et sont victimes des trafiquants mais cet homicide "est le résultat de leur déshumanisation et de leur criminalisation", proclame un des messages de la campagne.

La question du partage d'informations entre autorités françaises et belges sur les trafics de migrants devrait être évoquée au procès.

La camionnette était surveillée via une balise GPS posée dans le cadre d'une enquête en France, ce que les Belges ignoraient, selon l'enquête.

Le policier encourt jusqu'à cinq ans d'emprisonnement pour homicide involontaire. Mais selon son avocat, le parquet pourrait ne requérir que de la prison avec sursis.

Les deux coprévenus kurdes ont eux été inculpés notamment pour "entrave méchante (dangereuse, ndlr) à la circulation avec la circonstance aggravante du décès".

La petite Mawda a été enterrée à Bruxelles en juillet 2018. Ses parents bénéficient depuis février 2019 d'un droit de séjour en Belgique pour des raisons humanitaires.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.