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Bakou pousse sa médiation entre la Turquie et Israël


Mardi 3 juin 2025 à 05h03

Bakou, 3 juin 2025 (AFP) — L'Azerbaïdjan cherche à étendre son influence régionale en faisant valoir ses liens étroits avec la Turquie et Israël pour se poser en médiateur entre deux rivaux aux intérêts divergents en Syrie.

Le conseiller diplomatique du gouvernement azerbaïdjanais Hikmet Hajiev confirme que Bakou a accueilli au moins trois séries de négociations entre la Turquie et Israël, qui tous deux s'activent en Syrie en arguant de menaces sécuritaires.

"L'Azerbaïdjan conduit des initiatives diplomatiques pour parvenir à un accord", a indiqué M. Hajiev à des journalistes turcs à Bakou, lors d'une visite organisée par le Global Journalism Council basé à Istanbul. "La Turquie et Israël nous font confiance", s'est-il félicité.

La chute en décembre du président syrien Bachar al-Assad, défait par une coalition rebelle islamiste, avec la bénédiction d'Ankara, a inquiété en Israël.

Depuis, son armée a mené des centaines de frappes en territoire syrien, dont la dernière série vendredi, au prétexte selon elle d'empêcher des armes de l'ancien régime de tomber aux mains de jihadistes et de protéger la minorité druze.

Israël a par ailleurs accusé Ankara de vouloir faire de la Syrie un protectorat turc.

Proche allié de Recep Tayyip Erdogan, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev s'est régulièrement aligné sur ses positions dans les questions internationales, y compris la Syrie.

Mais ses bonnes relations avec Israël, qui dépend en grande partie du pétrole azerbaïdjanais et fournit des armes à Bakou, encourage l'Azerbaïdjan à faciliter les discussions "techniques" entre ses deux alliés.

"Nous réussirons si les deux parties conviennent d'un accord qui respecte les préoccupations de chacun", estime Farid Chafiev, président du Centre d'analyse des relations internationales, basé à Bakou.

"La Syrie, en particulier sa région nord, constitue une préoccupation sécuritaire pour la Turquie", en raison notamment de la présence de combattants kurdes le long de sa frontière, indique-t-il à l'AFP.

La Turquie veut contrôler ces territoires mais aussi "renforcer sa présence" autour des bases militaires de Palmyre et de T4, dans le centre du pays, pour assurer la sécurité autour de Damas, ajoute-t-il.

- Livraisons de pétrole -

Les relations entre la Turquie et Israël ont été suspendues au début de la guerre lancée contre le Hamas à Gaza, en représailles aux massacres d'Israéliens le 7 octobre 2023.

"Tant que la guerre à Gaza continue, la Turquie ne normalisera pas ses relations avec Israël", assure à l'AFP un haut responsable turc sous couvert d'anonymat.

Ankara a officiellement suspendu tout commerce avec Israël mais dans l'opposition, des voix s'élèvent pour affirmer que les échanges continuent, notamment les livraisons de pétrole via l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, port situé sur la côte sud de la Turquie.

Des affirmations "totalement infondées" selon le ministère turc de l'Energie.

M. Hajiev renâcle à commenter le sujet et rappelle que Bakou avait obtenu un soutien précieux d'Israël lors du conflit du Karabakh.

"Nous avons acheté des armes à Israël pendant la guerre, nous les avons payées (et) Israël nous a apporté un soutien diplomatique", résume-t-il.

"Le pétrole azerbaïdjanais arrive jusqu'à Ceyhan, mais une fois chargé sur des bateaux (...) la destination finale ne vous appartient pas", avance-t-il pour minimiser le rôle d'Ankara.

- "Influence croissante" -

En facilitant le dialogue entre la Turquie et Israël, l'Azerbaïdjan joue un rôle "stratégique", vante Zaur Mammadov, président du Club des politologues de Bakou.

"Cela illustre (son) influence croissante comme médiateur" entre acteurs régionaux, estime-t-il.

L'Azerbaïdjan et l'Arménie se sont affrontés lors de deux guerres pour le contrôle du Karabakh, dans les années 1990 puis en 2020, avant que Bakou ne s'empare de l'enclave lors d'une offensive de 24 heures en septembre 2023.

Le pays veut maintenant normaliser ses relations avec Erevan, avançant ses pions dans une région où Russie et Turquie se disputent leur influence.

Pour l'analyste turc Serkan Demirtas, l'Azerbaïdjan est intervenu pour éviter un affrontement potentiel entre la Turquie et Israël dans la Syrie post-Assad.

"Une confrontation entre ses deux meilleurs alliés dans la région est une perspective dont l'Azerbaïdjan ne veut surtout pas", estime-t-il.

"Aux dernières nouvelles, des progrès ont été réalisés. Ce qui témoigne de l'influence croissante de l'Azerbaïdjan dans la région après la guerre du Karabakh", juge-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.