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Bagdad reprend rapidement aux Kurdes un champ de pétrole et des bases militaires


Lundi 16 octobre 2017 à 12h42

Kirkouk (Irak), 16 oct 2017 (AFP) — Champ pétrolier, base et aéroport militaires: les troupes irakiennes ont rempli lundi, sans quasiment combattre, une partie de leurs objectifs dans la riche province de Kirkouk, au coeur d'un contentieux entre Bagdad et Erbil qui a été exacerbé par le référendum d'indépendance kurde.

Après l'échec du dialogue et l'expiration d'un ultimatum fixé par le pouvoir central, l'armée irakienne a repris depuis dimanche soir plusieurs zones et infrastructures de Kirkouk dont les Kurdes s'étaient emparés en 2014 dans le chaos né de la percée fulgurante du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Parmi ces prises, au premier jour de l'opération des forces gouvernementales, figurent un des six champs pétroliers de la province, ainsi qu'une base et un aéroport militaires.

A l'exception de quelques échanges de tirs, la progression a été facilitée par le retrait des peshmergas de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) des positions qu'ils contrôlaient au sud de Kirkouk. L'UPK est rival du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) du président kurde, Massoud Barzani.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi, commandant en chef des forces armées, avait dans la nuit appelé ses troupes à agir "en coordination avec les habitants et les peshmergas" (les combattants kurdes).

- 'Sécurité et autorité' -

Faisant valoir que le référendum kurde du 25 septembre avait créé un "risque de partition" de l'Irak, il a dans la journée accusé les dirigeants de la région autonome de s'être obstinés à faire valoir le "oui" massif (93%) de cette consultation déclarée contraire à la Constitution par Bagdad.

Son "devoir constitutionnel", a-t-il ajouté dans un communiqué, est "d'imposer la sécurité et l'autorité fédérale" à Kirkouk, où il a appelé "l'ensemble des citoyens à coopérer" avec les troupes, et à faire preuve de "vigilance". Dans la ville, des responsables kurdes avaient eux appelé durant la nuit les civils à prendre les armes.

Dans le même temps, le Commandement conjoint des opérations (JOC), qui regroupe l'ensemble des forces irakiennes engagées dans la progression, a annoncé une succession d'avancées rapides.

Il y a eu notamment "la base militaire K1", la plus importante de la province disputée, au nord-ouest de la ville de Kirkouk, reprise par les unités antiterroristes (CTS).

Là, les forces irakiennes ont voulu effacer l'humiliation subie en juin 2014 lorsque les peshmergas avaient pris la base et obligé les soldats irakiens à retirer leurs uniformes en leur jetant des dishdashas (une robe masculine, ndlr). Ils leur avaient aussi confisqué leurs armes sous les quolibets.

Ensuite, selon le JOC, les forces ont "pris le contrôle de l'aéroport militaire de Kirkouk", à l'est de la ville, "du quartier général de la North Oil compagny" (NOC) --institution publique en charge de l'extraction et de la commercialisation du pétrole--, et "du champ pétrolier de Baba Gargar".

Les peshmergas contrôlaient jusqu'alors militairement les six champs pétroliers de la région de Kirkouk, qui fournissent 340.000 b/j des 550.000 b/j exportés en moyenne par le Kurdistan en dépit du refus de Bagdad.

Les Kurdes géraient directement Khormala depuis 2008 et Havana et Bay Hassan depuis 2014, qui produisent 250.000 b/j. Les trois autres champs --Baba Gargar, Jambour et Khabbaz--, sont gérés officiellement par la NOC mais les recettes revenaient aux Kurdes.

Les CTS ont aussi pris le plus important point de contrôle à l'entrée sud de la ville de Kirkouk et y ont installé le drapeau irakien à la place du kurde, ont indiqué des témoins.

- Pierres et crachats -

"Les forces poursuivent leur progression", a ajouté le JOC, tout en affirmant "vouloir protéger la vie des habitants kurdes, turkmènes et arabes".

Il a appelé "tous les employés et la police locale à se rendre à leur travail (...) normalement, sous la protection de la police fédérale".

Dans la ville de Kirkouk, des familles kurdes apeurées ont toutefois quitté préventivement leur domicile pour se rendre à Erbil et Souleimaniyeh, dans la région autonome, ont constaté des témoins.

Parmi les Kurdes, cette offensive a fait éclater au grand jour la crise qui couvait entre l'UPK, qui préférait surseoir au référendum d'indépendance et engager des négociations avec Bagdad sous l'égide de l'ONU, et le PDK de Massoud Barzani, initiateur de cette consultation populaire.

Le sud de la province de Kirkouk est tenu par des peshmergas affiliés à l'UPK tandis que le PDK contrôle le nord et l'est.

Conseiller du président Barzani, Hemin Hawrami a dénoncé sur Twitter des "problèmes internes et des accords ambigus", qui ont mené "des commandants à ordonner à leurs peshmergas de quitter leurs positions", occupées depuis trois ans.

Des vidéos ont montré des convois de peshmergas de l'UPK abandonnant ces positions tandis que des habitants leur crachaient dessus et leur jetaient des pierres.

Les combats ont ainsi été rares: des sources militaires des deux côtés ont rapporté des échanges de tirs de roquettes Katiousha au sud du chef-lieu de la province.

Deux personnes ont été tuées dans des échanges de tirs d'artillerie à Toz Khormatou, a affirmé un médecin de l'hôpital de la ville.

Les journalistes de l'AFP ont vu des forces irakiennes s'empaer de cette ville mixte turkmène et kurde située à 75 km de Kirkouk, ainsi que de la cité mitoyenne de Dakouk.

Depuis vendredi, les forces irakiennes avaient déjà repris certaines bases désertées peu auparavant par les peshmergas.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.