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Bagdad condamne "les agressions répétées" d'Ankara après un raid meurtrier


Mardi 19 septembre 2023 à 21h36

Bagdad, 19 sept 2023 (AFP) — La présidence à Bagdad a condamné mardi les "agressions répétées de la Turquie" en territoire irakien au lendemain de la mort de trois membres des services antiterroristes kurdes dans une frappe de drone attribuée à Ankara.

Mardi soir, la diplomatie turque a répliqué en accusant ces forces --affiliées à un grand parti kurde irakien-- de s'entraîner avec des "terroristes du PKK/YPG", en allusion au Parti des travailleurs du Kurdistan et aux Unités de protection du peuple, mouvement syrien.

Au Kurdistan autonome dans le nord de l'Irak, l'armée turque a installé depuis 25 ans plusieurs dizaines de bases militaires pour lutter contre le PKK, classé groupe "terroriste" par Ankara et plusieurs pays occidentaux.

Mais lundi la frappe de drone a visé l'aérodrome d'Arbat, près de Souleimaniyeh, où se trouvaient des forces des services antiterroristes du Kurdistan. Le bombardement a fait trois morts et trois blessés parmi leurs effectifs, rare attaque contre les forces régulières de la région autonome.

"L'ambassadeur turc sera convoqué à Bagdad pour lui remettre une lettre de protestation adressée à la présidence turque", ont indiqué mardi dans un communiqué les services du président irakien Abdel Latif Rachid.

Le drone est entré "dans l'espace aérien irakien via la frontière avec la Turquie", avait assuré plus tôt mardi le général Yehya Rassoul, porte-parole du Commandant en chef des forces armées à Bagdad.

- Entraînement avec "des terroristes" -

Le ministère turc des Affaires étrangères a réagi en soirée sans toutefois reconnaître ouvertement que l'armée d'Ankara était responsable de la frappe.

"Il semblerait qu'au moment de l'explosion, des membres du +groupe antiterroriste+ affilié à l'UPK (Union patriotique du Kurdistan, ndlr) s'entraînaient avec des terroristes du PKK/YPG", selon un communiqué.

"Ce dernier incident confirme une fois de plus la justesse de notre action à Souleimaniyeh, où l'organisation terroriste a pratiquement pris la population en otage", ajoute la diplomatie turque.

En avril, la Turquie avait fermé son espace aérien aux vols en provenance et à destination de l'aéroport de Souleimaniyeh, y dénonçant une "intrusion" du PKK.

Quelques jours plus tard, l'Irak accusait Ankara d'avoir mené un "bombardement" aux abords de cet aéroport -- pendant que s'y trouvait des soldats américains et le commandant d'une coalition syrienne dominée par les Kurdes et alliée à Washington, les Forces démocratiques syriennes (FDS).

Mardi, réagissant au bombardement contre l'aérodrome d'Arbat, le Premier ministre du Kurdistan Masrour Barzani a condamné "une violation de la souveraineté".

- "Eloignés de la frontière" -

La Turquie et l'Iran sont souvent pointés du doigt pour des frappes de drone visant au Kurdistan d'Irak leurs oppositions respectives, implantées dans ce secteur depuis des décennies.

Ces derniers jours, Bagdad était en discussion avec Téhéran concernant la présence au Kurdistan d'Irak de groupes armés de l'opposition kurde iranienne.

Il y a un an, Téhéran avait bombardé à plusieurs reprises les positions de ces groupes. Ils étaient accusés d'infiltrer l'Iran pour mener des attaques contre les forces iraniennes. Et d'être impliqués dans le mouvement de contestation déclenché en Iran après la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne interpellée par la police des moeurs en septembre 2022.

Téhéran avait fixé le 19 septembre comme date-butoir et menaçait de représailles si Bagdad n'appliquait pas un "accord sur la sécurité" prévoyant le désarmement de ces groupes et leur éloignement de la frontière.

Mardi dans un communiqué, Bagdad a assuré avoir "respecté ses engagements" et avoir transféré ces groupes "vers un secteur éloigné de la frontière".

"Ces groupes ont été désarmés en vue de leur attribuer le statut de réfugiés", ajoute le communiqué publié par un haut comité chargé de l'application de l'accord, précisant que les gardes-frontières de l'armée irakienne fédérale ont été déployés dans ces secteurs frontaliers.

"Des progrès significatifs ont été réalisés", a confirmé à l'AFP Jeanine Hennis-Plasschaert, représentante spéciale de l'ONU en Irak, interrogée sur l'application de l'accord. "Toutes les parties sont sincèrement engagées sur l'accord. La sécurité à long-terme est essentielle pour tous".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.