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Avides de "révolution" et d'unité, les Turcs aux urnes


Dimanche 14 mai 2023 à 10h44

Istanbul, 14 mai 2023 (AFP) — Avant même le début du vote, de longues files s'étiraient dimanche devant les bureaux de vote des grandes villes de Turquie: "Ils sont là depuis que je suis né, je veux du changement", justifie Sila, 19 ans, à Ankara qui vote pour la première fois.

Ceren, 19 ans, en pleine préparation des concours universitaires, prend des selfies avec sa carte d'électeur. C'est la première fois qu'elle vote elle aussi. "Je suis tellement excitée. Voilà pourquoi je suis venue si tôt", s'enthousiasme-t-elle.

Nombre de personnes opposées au régime refusent de décliner leur patronyme, dans un pays où l'on craint des représailles.

Ils sont 5 millions comme ces deux jeunes femmes d'Ankara à se prononcer pour la première fois dans les urnes pour ce double scrutin présidentiel et législatif.

Au total, 64 millions d'électeurs sont inscrits, dans près de 200.000 bureaux, déterminés pour certains à "regagner leur dignité", pour d'autres à "aller de l'avant", entre lassitude, espoir et peur du lendemain.

"Je dis +continuez+ avec Erdogan", dit Nurcan Soyer, foulard sur la tête, dans le quartier conservateur d'Üsküdar favorable au président sortant, sur la rive asiatique du Bosphore, à Istanbul.

C'est là, sous haute surveillance policière que le chef de l'Etat doit voter à la mi-journée.

"Nous étions déjà bien gouvernés et ça ira mieux", veut-elle croire, malgré la crise économique.

"Ce qui compte, ce n'est de ne pas diviser la Turquie", pays aux 85 millions d'habitants, profondément clivé, commente pour sa part Recep Turktan, 67 ans.

De l'autre côté du Bosphore, dans les rues pentues du quartier européen cossu de Sisli, le désir d'unité s'exprime aussi. "Qu'on soit pieux, laïque, communiste ou autre, nous devons vivre en symbiose, tous ensemble", abonde Hande Tekay, 55 ans.

- "Restaurer les droits" -

La campagne, dominée par le fléau de l'inflation, s'est achevée samedi à 18h00 (16H00 GMT) sans laisser présager qui de M. Erdogan ou de Kemal Kiliçdaroglu, président du CHP (social-démocrate) et visage d'une large coalition d'opposition, dominerait.

"L'économie n'est pas la priorité, nous devons commencer par la base: restaurer les droits humains et la démocratie, regagner notre dignité", estime cependant Hande Tekay.

A ses côtés, Ulvy Aminci, jean bleu et tatouage sur la main, acquiesce. "Pour le dire simplement, on veut la révolution française: +Egalité, liberté, fraternité+, parce que ces vingt dernières années tout ça a disparu", déplore-t-il.

Recep Tayyip Erdogan est au pouvoir depuis 2003, d'abord comme Premier ministre jusqu'en 2014, puis comme président.

Ulvy Aminci est l'un des milliers d'observateurs dépêchés par le CHP pour scruter le bon déroulement du vote. Ce volontaire, formé depuis trois mois et assisté d'une avocate, est affecté dans une petite école arménienne d'Istanbul. Là, dans le hall, trône le regard imposant d'une statue de bronze, celle de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la République turque il y a cent ans.

Tout se déroule jusqu'alors sans anicroche. Observateurs partagent cafés et viennoiseries et sur le trottoir, trois policiers, en basket et sweat-shirt, discutent avec un retraité qui vient de voter. Non loin, les vendeurs de fleurs ont étalé leurs couleurs sur les trottoirs en ce jour de Fête des mères en Turquie.

Mais certains craignent que l'ambiance se détériore après l'annonce des résultats attendus dans la soirée, après la fermeture des bureaux de vote à 17h00 (14h00 GMT).

"On ne va pas faire la fête dans la rue ce soir même si le CHP l'emporte, on nous a dit de rester chez nous car le risque de violences est là. Fake news ou pas, au cas où, j'attendrai les résultats chez moi", dit Hande Tekay.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.