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Aux assises de Paris, la "haine" et la "honte" d'une "revenante" de Syrie


Vendredi 3 mars 2023 à 22h59

Paris, 3 mars 2023 (AFP) — La cour d'assises spéciale a condamné vendredi à dix ans de réclusion criminelle la "revenante" de Syrie Amandine Le Coz, qui a passé cinq années en territoire du groupe Etat islamique (EI) et reconnu avoir envisagé de "mourir en martyre".

La cour a assorti la peine d'un suivi socio-judiciaire de sept ans. "Vous avez fait des efforts" mais "vous avez encore besoin d'être accompagnée", lui dit le président de la cour Laurent Raviot.

"Effectivement", "merci Monsieur", répond Amandine Le Coz, longs cheveux châtains et marinière.

L'accusée, originaire du Val-d'Oise, était jugée depuis jeudi pour association de malfaiteurs terroriste (AMT) criminelle.

A l'audience, la jeune femme de 32 ans a reconnu pour la première fois vendredi avoir envisagé de se "faire exploser". "Je voulais mourir en martyre, oui c'est vrai, parce que j'avais peur de l'enfer", dit-elle.

Sur les photos de son époque syrienne - elle y est arrivée en septembre 2014 - que fait défiler l'avocat général Benjamin Chambre, on voit des armes, les drapeaux noirs de l'EI, trois silhouettes en niqab - Amandine Le Coz est au milieu, à côté de celle qui brandit une kalachnikov.

Sur un cliché apparaît son premier mari, tout sourire, ceinture explosive sur le dos.

"C'est vous qui la lui avez mise ?", cette ceinture, demande l'avocat général. Nouvelle révélation: "non, mais j'en ai déjà porté une", répond Amandine Le Coz. "Pour mourir en martyre. Je pensais que c'était la meilleure adoration".

- "Dans la haine" -

"On est un peu plus que dans la radicalisation, là... On est dans le jihad", observe le magistrat, qui requiert à son encontre onze ans de réclusion.

Amandine Le Coz s'est convertie à l'islam à 23 ans, et ses parents l'ont mise dehors. Au cause de ce rejet, celle qui a été un peu mannequin, un peu vendeuse et beaucoup fêtarde se radicalise rapidement.

"J'étais dans la haine", justifiera-t-elle du box vitré.

Elle se cherche un mari sur internet. Le premier candidat est un certain "Abou Merguez". "Vous l'aviez rencontré comment ?", demande le président Laurent Raviot. "J'avais tapé +Abou...+ sur Facebook", répond Amandine Le Coz, "candide", "naïve" selon l'experte psychologue.

A l'été 2014, sur internet, elle trouve finalement à épouser un combattant de l'EI. Pourquoi lui ? "Parce que je le trouvais beau", murmure Amandine Le Coz, qui a "honte". Dans la foulée, elle le rejoint à Raqqa (nord de la Syrie).

Battue par ce premier mari, elle obtient le droit de divorcer. Et se remarie avec un autre combattant, avec qui elle a un enfant.

Sur les réseaux sociaux, elle tente de convaincre au moins deux femmes, dont une mineure, de rejoindre la Syrie. "C'est à cause d'idiotes comme moi que des filles" sont parties en Syrie se faire "battre, violer, tuer", sanglote-t-elle, s'excusant à nouveau.

- "Ambiguïté" -

Chez les Françaises de l'EI, on la dit tantôt "grosse chienne" - "elle draguait sur internet alors qu'elle était mariée", rapporte l'une d'elles entendue pendant l'enquête - ou "grande gueule".

"C'est vrai que je faisais ma belle", admet la jeune femme. "Je disais ne pas avoir peur des bombardements alors que j'étais pétrifiée".

Amandine Le Coz "c'est tout et son contraire", résume son avocate Marie Dosé, plaidant pour une peine permettant à celle qui "ne s'est jamais posée en victime" de continuer à "progresser".

Le président Raviot avait souligné l'"ambiguïté" de la jeune femme: elle a plusieurs fois tenté de quitter l'EI, avant de changer d'avis.

"J'avais peur d'être une mécréante, j'avais peur des flammes de l'enfer, je croyais" en l'EI, dit-elle. "D'un autre côté je voulais revoir ma famille, avoir une vie normale, être heureuse".

C'est finalement, selon elle, pour l'avenir de son fils qu'elle décide de se rendre aux forces kurdes en 2018. Retenue 18 mois dans les camps de Roj et d'Aïn Issa, elle sera expulsée vers la France fin 2019.

"J'entends la fragilité, la vulnérabilité", a dit l'avocat général. Mais "je crois aussi qu'il y a eu une vraie détermination, et pour y aller, et pour rester".

"J'ai appris à réfléchir", a elle-même résumé Amandine Le Coz. "Je suis sur la voie de la guérison, mais pas encore guérie".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.