Mardi 5 mai 2009 à 17h30
BILGE (Turquie), 5 mai 2009 (AFP) — Devant Bilge, le village victime d'une vendetta kurde en plein mariage, les pelles mécaniques creusaient des tombes, mardi, pour les 44 personnes - hommes, femmes et enfants - massacrées à l'arme automatique, devant des parents rassemblés dans la prière et les pleurs.
"Même le PKK n'aurait pas fait ça" gronde Ahmet, du village voisin d'Atlica, qui a perdu sa soeur dans le massacre, rappelant les brutalités prêtées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le mouvement rebelle kurde en lutte contre le régime d'Ankara.
A côté d'une petite route qui mène à ce village d'environ 300 habitants, près de la frontière syrienne, deux pelles mécaniques ont creusé des tombes, sur un terrain protégé par une quarantaine de gendarmes.
Environ deux cents personnes prient, sous la conduite d'un imam. Les deux premiers corps sont déposés dans les tombes fraîches, alors que des camionnettes en apportent d'autres de la morgue de l'hôpital de Mardin, la grande ville proche, où ils ont été autopsiés.
A l'écart, des femmes accroupies se relaient en pleurs et lamentations, en langue kurde.
Lundi tard dans la soirée, quatre hommes masqués ont fait irruption à Bilge, alors que l'imam achevait une cérémonie de mariage. Ils ont ouvert le feu sur la foule, avant de traîner des femmes et des enfants dans une pièce et de les arroser de balles, ont raconté des témoins.
"Ma cousine, Neriman Celebi, a été tuée", dit un habitant d'un village situé à trois kilomètres de Bilge.
"J'ai entendu des coups de feu dans la nuit (lundi soir), et j'ai appelé les gendarmes", a-t-il expliqué à l'AFP. "Mais il y avait une tempête de sable, et on a pas entendu le début de la fusillade", explique-t-il.
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a fait mardi le décompte des victimes: 6 enfants, 17 femmes et 21 hommes. Trois autres villageois ont été blessés.
Les deux fiancés, les parents du jeune homme et sa soeur de quatre ans, ainsi que l'imam du village, ont tous été tués.
Selon les autorités, le drame n'a rien de politique, mais serait un épisode particulièrement sanglant des vendettas fréquentes dans ces contrées pauvres de la Turquie.
"En 1998, il y avait eu un incident semblable dans la région, entre deux familles, qui avait fait neuf morts", se souvient un habitant.
"C'est une dispute concernant de l'argent", affirme le député local Yilmaz Altes, du parti CHP (social-démocrate), alors que diverses versions circulent dans le village pour expliquer le drame.
Les rivalités sanglantes sont courantes chez les Kurdes de Turquie, où perdurent des traditions moyenâgeuses. L'usage des armes à feu est fréquent, lors de disputes pour des terres, des dettes impayées, ou des accusations d'enlèvements de jeunes filles, entre clans rivaux.
"Ici, c'est une zone sensible, et il aurait fallu assurer la sécurité de ces noces", dit-il, demandant au gouvernement d'être "beaucoup plus vigilant".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.