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Au procès de militants de l'ultragauche, plongée dans les essais d'explosifs


Mercredi 11 octobre 2023 à 20h39

Paris, 11 oct 2023 (AFP) — Attentat en préparation ou simples séances ludiques? Au procès de sept sympathisants d'ultragauche accusés d'avoir fomenté des actions violentes contre les forces de l'ordre, des prévenus ont tenté de minimiser l'importance des essais d'explosifs qu'ils avaient réalisés.

Au cours des neuf mois précédant leur interpellation, et alors qu'ils étaient sous surveillance des enquêteurs, Florian D., principal prévenu du dossier, qui a combattu auprès des Kurdes contre l'organisation Etat islamique en 2017, s'est livré, deux fois, à la fabrication de produits explosifs, avec certains des autres suspects.

Pour l'accusation, derrière ces essais se cache une volonté de préparer une action violente, même si aucun passage à l'acte imminent n'a été envisagé. S'ils reconnaissent s'être livrés à ces expériences, les prévenus contestent l'intention qui leur est prêtée.

Une première fois, en février 2020, Florian D. expérimente des recettes d'explosifs avec une de ses vieilles connaissances, Simon G.

A l'époque, ce dernier était artificier à Disneyland et réalisait par ailleurs des effets spéciaux sur des tournages.

Les deux hommes, qui s'étaient perdus de vue, avaient repris contact et s'étaient revus en décembre 2019, dans le Vaucluse.

Ce week-end-là, "on parle de ce qu'on a fait ces dernières années", raconte mercredi Florian D. à la barre.

"Moi je lui parle beaucoup du Rojava" (région du nord-est de la Syrie), et lui "me parle aussi de sa passion (...) et de tous ses essais. C'est à ce moment-là qu'on a (...) l'idée de faire des essais ensemble", poursuit-il, expliquant avoir parlé à son ami d'une recette dont lui avait parlé quelques années auparavant un "ami agriculteur" et qu'il n'avait pas encore expérimentée.

"J'ai l'opportunité d'apprendre une recette, je la saisis", avait expliqué de son côté vendredi Simon G. "Là, je vais avoir la possibilité de découvrir un explosif de guerre - si on doit appeler un chat un chat - et éventuellement l'utiliser un jour si on me demande quelque chose de réaliste" pour un tournage.

Mercredi, Florian D. rectifie: "je n'ai jamais dit que cette recette venait du Rojava". "Après je peux concevoir qu'il ait pu faire ce raccourci", ajoute-t-il.

Les deux hommes se retrouvent donc dans l'Indre deux mois plus tard. Finalement, et après un vol d'engrais dans un magasin spécialisé, les essais s'avèrent infructueux et les deux amis se quittent en se promettant de poursuivre les essais chacun de leur côté.

- "Gros boum" -

Puis en avril de la même année, alors qu'il se trouve en Dordogne, Florian D. réitère ses essais avec notamment Camille B., Bastien A. et William D., trois de ses coprévenus au procès.

"On était en plein confinement, on ne savait pas quoi +foutre+", relate-t-il. "On cherchait vraiment à s'occuper, chaque activité qui germait, on se disait +on va faire ça+".

"En fait on était des débilos qui s'amusaient à faire des gros pétards, on ne savait pas ce que ça allait donner exactement", justifie-t-il.

Il retente la recette déjà expérimentée avec Simon G., et essaie par ailleurs avec ses amis de confectionner un détonateur.

"A force d'essayer, à un moment on a eu un détonateur qui a fait un +poc+", décrit le prévenu. Après en avoir refait un, "on l'a mis dans la poudre d'ammonitrate-sucre et là ça a pété".

"Ca a fait un gros boum qui était vraiment impressionnant", se souvient-il, indiquant que cela avait "fait peur", même s'il avait "donné le change" face à ses compagnons. Après cela, secoués, tous décident de ne pas réitérer l'expérience.

Selon un expert en explosifs mandaté par la justice, le mélange réalisé est en réalité du TATP (peroxyde d'azote). Florian D., lui, affirme avoir découvert dans la procédure de quoi il s'agissait.

Depuis, "je n'ai pas refait d'explosifs", assure-t-il.

Lors de son interpellation le 8 décembre 2020, les enquêteurs retrouvent dans son fourgon l'engrais utilisé pour les explosifs, mais aussi des mèches, des fils électriques ou encore des billes métalliques.

"Vous auriez pu vous débarrasser de tout le matériel?", lui demande la présidente. "Je pense que j'aurais dû", souffle Florian D.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.