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Au Kurdistan, les électeurs partagés entre loyauté et désir de changement


Dimanche 7 mars 2010 à 10h40

SOULEIMANIYEH (Irak), 7 mars 2010 (AFP) — A Souleimaniyeh, la grande ville du Kurdistan irakien, les partisans des deux mouvements historiques clament leur vote à tue-tête. Ibrahim Abdallah Hassan, lui, se penche et murmure: "j'ai voté pour Goran", le parti des dissidents.

Les inquiétudes de ce mécanicien de 42 ans sont nourries par les violences entre sympathisants de Goran et de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) du président irakien Jalal Talabani lors de la campagne électorale. Les derniers heurts datent de vendredi, où cinq personnes ont été blessées par balles.

La province de Souleimaniyeh et ses 17 sièges sont devenus l'enjeu d'une bataille politique entre l'UPK et Goran, qui ont tous les deux fait de la ville à 270 km de Bagdad leur quartier général.

"Ils (l'UPK) n'ont rien fait pour moi", explique Ibrahim Abdallah Hassan, qui peine à trouver du travail dans son secteur d'activité depuis qu'il a obtenu son diplôme en 1991.

"Notre argent a été détourné par les principaux partis" kurdes, ajoute-t-il, alors qu'il fait la queue dans une école transformée en bureau de vote.

"La plupart de mes amis veulent aussi voter pour Goran, 98% d'entre eux veulent plus de transparence et d'ouverture dans la province", dit-il.

En juillet, Goran (Changement en Kurde), constitué de dissidents de l'UPK, a créé la surprise en se hissant à la deuxième place lors des élections au parlement du Kurdistan irakien, grâce à une campagne axée sur la lutte contre la corruption et l'hégémonie des deux partis historiques.

Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dirigé par le président de la région autonome Massoud Barzani, et l'UPK règnent depuis 30 ans sur la région. Ils ont constitué une liste commune pour ces élections avec une dizaine de groupes politiques islamistes.

Malgré l'absence de sondages fiables dans la région, Goran espère faire le même score aux législatives de dimanche, et repousser l'UPK à une embarrassante troisième place en termes de sièges. Le PDK devrait sans surprise rester le plus grand parti kurde grâce à ses résultats dans les provinces d'Erbil et de Dohouk, à l'extrême nord du pays.

Si Ibrahim Hassan rechigne à révéler le nom de son favori, Sardar Ahmed Hassan, qui accompagne sa mère pour voter, annonce avec joie qu'il votera pour l'UPK.

"Nous avons été victimes du régime précédent, notre village a été attaqué", dit cet homme de 35 ans en rappelant que sa famille a dû fuir la province mixte de Ninive (nord-ouest) pour se réfugier à Souleimaniyeh (nord-est).

"Je dois voter pour l'UPK" par loyauté envers le parti qui s'est soulevé contre Saddam Hussein en 1991, affirme-t-il.

Shadan Omer Mohammed, une femme de ménage de 36 ans annonce qu'elle votera UPK qui a permis de nombreux travaux de reconstruction dans son quartier.

"Il y a eu beaucoup de changements, ils ont fait de bonnes choses et défendu les droits des Kurdes", ajoute-t-elle, habillée d'un costume traditionnel, comme beaucoup de monde en ce jour d'élection.

Goran, en lice pour son premier scrutin national, offre toutefois aux électeurs une alternative crédible aux deux partis historiques, dont l'impression d'hégémonie est encore accentuée par leur liste commune.

"La vie n'a pas changé ces quatre dernières années, je vote pour une meilleure solution pour les Kurdes", dit Arham Saeed, 25 ans.

"Je vote pour un groupe qui sera productif et loyal aux Kurdes", ajoute cet ouvrier avant de souffler, pressé de questions, "je vote pour Goran".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.