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Au Kurdistan irakien, un "manteau des religions" pour la coexistence


Mercredi 27 mars 2019 à 16h19

Erbil (Irak), 27 mars 2019 (AFP) — Sur un habit ecclésiastique, la croix fait face au croissant et l'aile à trois branches des Zoroastriens à l'étoile à neuf branches des Bahaïs: avec ses broderies, la Kurde Chanaz Jamal veut réconcilier le nord multi-ethnique de l'Irak ravagé par les jihadistes.

Cette créatrice de 40 ans a déjà obtenu des autorités de la région autonome kurde qu'elles l'envoient, avec son "manteau des religions", au Vatican où, assure-t-elle, son ouvrage sera exposé.

Musulmane, elle raconte à l'AFP comment elle a brodé et cousu "3.000 perles dont certaines en pierres semi-précieuses traditionnellement utilisées pour l'artisanat kurde" sur un habit ecclésiastique blanc.

Après cinq mois de travail, elle a rassemblé huit symboles des principales communautés présentes au Kurdistan et en Irak, tous deux très majoritairement musulmans.

Il y a notamment l'étoile de David du judaïsme, le soleil et les temples des Yazidis, une minorité du nord de l'Irak contre laquelle les jihadistes ont mené en 2014 un "potentiel génocide" selon l'ONU.

Depuis le début, explique Mme Jamal, elle a eu pour projet de l'offrir au pape François, un "symbole de la paix et de l'harmonie dans le monde".

"Je veux montrer que les femmes du Kurdistan veulent la coexistence et la fraternité entre toutes les religions", assure cette femme coquette aux longs cheveux noirs.

"Je ne vois aucune différence entre elles: toutes ont en partage l'amour", poursuit-elle, toujours penché sur son ouvrage.

Pour experts et défenseurs des droits humains, la réconciliation entre communautés est désormais la priorité numéro un en Irak. Sans elle, disent-ils, ni le retour des 1,8 million de déplacés ni la reconstruction de pans entiers du pays ne sera possible.

L'Irak, ancienne Mésopotamie, a vu se succéder de nombreuses civilisations et est aujourd'hui un patchwork de peuples et de confessions.

La percée du groupe Etat islamique (EI) en 2014 et les exactions des jihadistes, qui s'en sont particulièrement pris aux minorités, ont fait voler en éclats leur coexistence.

Aujourd'hui, plus d'un an après l'annonce de la "victoire" sur l'EI en Irak, les tensions communautaires persistent, surtout dans le nord du pays, entre minorités qui s'accusent mutuellement de crimes ou de vengeance.

Ainsi, les Yazidis et les Arabes sunnites sont à couteaux tirés, les premiers accusant les seconds de complicité avec l'EI. De leur côté, les Arabes sunnites assurent vivre dans la peur de représailles pour des crimes commis par des sunnites radicaux avec lesquels ils réfutent tout lien.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.