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Au Kurdistan irakien, les "opérations" turques anti-PKK passent mal


Vendredi 21 octobre 2011 à 10h49

erbil (Irak), 21 oct 2011 (AFP) — Les opérations de l'armée turque contre les rebelles kurdes du PKK, entrées vendredi dans leur troisième jour, provoquent la colère des habitants d'Erbil, capitale du Kurdistan irakien, qui appellent les belligérants à régler leurs problèmes ailleurs que sur leur sol.

L'armée turque mène "des opérations terrestres d'envergure, soutenues par l'aviation (...) dans cinq points du nord de l'Irak et en Turquie", impliquant 22 bataillons, en réaction à la mort de 24 soldats mardi dans des attaques du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan).

Elle n'a pas précisé le nombre de troupes dépêchées en territoire irakien. Selon la presse turque, le nombre de soldats impliqués dans l'ensemble de l'opération serait d'environ 10.000 hommes.

Cette incursion en territoire irakien, qui fait suite à plusieurs semaines de frappes aériennes dans les montagnes irakiennes n'est pas la première -la dernière remonte à 2008- mais elle passe mal auprès de la population d'Erbil, ville de 750.000 habitants à 300 km au nord de Bagdad.

"Tous les Irakiens et les Kurdes n'acceptent pas de voir l'armée turque traverser la frontière", relève Saman Omar Ali, un employé de restaurant à Erbil. "La violence ne règle pas les problèmes. Ils devraient s'asseoir à une table et en discuter. L'armée turque devrait se retirer", poursuit-il.

Quant au PKK, "il ne devrait pas importer ses problèmes dans notre pays", juge-t-il.

Bakhtiyar Sherzad, propriétaire d'un café d'Erbil, est du même avis: "Je pense que le problème du PKK ne se situe pas à Erbil ou au Kurdistan, il est à l'intérieur de la Turquie", lance-t-il.

"D'un autre côté, cela fait des années que la Turquie bombarde la région du Kurdistan. C'est de l'oppression: nous souffrions sous (l'ex-président irakien) Saddam Hussein et maintenant cela continue à cause des bombardements turcs", s'indigne-t-il.

"Je pense que les Turcs ne devraient pas entrer dans les frontières du Kurdistan: nous nous y opposons. Ils feraient mieux de tout régler au Parlement et d'accorder leurs droits aux Kurdes. La solution devrait être pacifique", souligne-t-il.

Mais à Bagdad, le ton est sensiblement différent: le gouvernement irakien a "condamné" les activités "terroristes" du PKK et s'est engagé à "collaborer avec le gouvernement turc sur les questions de sécurité pour empêcher que de telles actions ne se reproduisent", a indiqué jeudi le ministère des Affaires étrangères.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s'est entretenu avec le président de la région autonome du Kurdistan irakien Massoud Barzani, a rapporté la presse. M. Barzani est attendu en Turquie prochainement.

En septembre, il avait appelé les rebelles kurdes d'Iran et de Turquie à "cesser leurs opérations militaires à partir de notre sol et à abandonner l'idée qu'ils ne peuvent obtenir leur droits que par les moyens militaires".

A Erbil, cette posture ne fait pas l'unanimité: "Les Kurdes défendent leurs droits et ils ont le droit de le faire. La Turquie occupe des territoires kurdes et ne leur donne pas leurs pleins droits. Nous pensons que le PKK défend les droits du peuple kurde", estime Araz Najmeddin, un employé gouvernemental.

"L'Irak est un pays souverain et ce que les Turcs font est illégal", renchérit Shoresh, un enseignant de 32 ans.

"Il faut une solution vraie et pacifique pour les Kurdes de Turquie. Si les Turcs devenaient des démocrates et accordaient leurs droits aux Kurdes, je ne pense pas que le PKK serait armé et tuerait des soldats", souligne-t-il.

"Le problème est que le gouvernement turc n'écoute pas les demandes des Kurdes. Ils ne veulent pas l'indépendance, ils veulent vivre comme des êtres humains respectés dans leurs pays", affirme-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.