Mardi 6 mars 2007 à 09h46
BASHMAKH (Irak), 6 mars 2007 (AFP) — Un camion chargé de cageots de fruits franchit un ruisseau qui traverse une route boueuse et pénètre en Irak, où des garde-frontières inspectent sommairement la cabine, le toit et le dessous du véhicule: la frontière avec l'Iran reste particulièrement poreuse.
Les autorités américaines accusent régulièrement Téhéran de faire entrer en contrebande des armes et des explosifs, destinés à des groupes armés irakiens, mais vu la manière dont les contrôles sont menés, des armes peuvent tout aussi bien pénétrer en Irak par le poste-frontière.
"Il y a encore beaucoup de chemin à faire: il n'y a pas de vérification sérieuse des documents ni des papiers d'identité et l'inspection est beaucoup trop rapide", juge avec scepticisme Andy Nevarez, du service des douanes et garde-frontières américains, chargé d'une mission d'évaluation.
"Nous ne sommes pas là pour imposer les procédures américaines, mais pour voir comment améliorer la situation", ajoute cet agent qui officie d'habitude au Texas et au Nouveau-Mexique, un décor bien différent des montagnes kurdes couvertes d'arbustes aux sommets enneigés.
Situé à près de 80 km de Soulaimaniyah, dans le Kurdistan irakien (nord), le poste frontière, sur lequel flottent les drapeaux kurde et irakien, voit défiler en moyenne 180 véhicules par jour.
Les camions iraniens déchargent leurs marchandises dans une aire située côté iranien, où des camions irakiens les chargent avant de franchir le poste frontière, qui ne dispose pas de scanners ou de chiens renifleurs.
"Jusqu'en 2005, les frontières ont été négligées. Aujourd'hui, nous n'avons pas encore assez de scanners, ni de personnel qualifié pour les utiliser et les entretenir", reconnaît le général de division Mohsen al-Kabi, qui dirige les 37.000 employés du département du contrôle des frontières, dépendant du ministère de l'Intérieur.
"La manière dont le poste est géré est mauvaise. Les services des douanes, des passeports, les gardes... tous fonctionnent indépendamment, ils ont besoin d'une direction commune", commente le général, venu inspecter le poste de Bashmakh en compagnie du général américain Dana Pittard, qui dirige le groupe d'assistance à l'Irak.
Cette visite a déclenché la colère des Iraniens, qui ont appelé les autorités régionales de Soulaimaniyah pour dénoncer "la présence menaçante d'une délégation américaine près de la frontière", alors que les tensions entre Washington et Téhéran sont élevées.
Pour le général Mohsen toutefois, "la menace vient d'abord de Syrie. Jusqu'à présent, personne n'a été arrêté venant d'Iran avec une veste bourrée d'explosifs, alors que c'est arrivé de nombreuses fois en provenance de Syrie".
Le colonel Thomas Johnson, qui dirige les conseillers militaires américains assistant les garde-frontières d'Erbil et de Dohouk (nord) en convient: "les seules armes qui ont été saisies venant d'Iran se résument à quelques pistolets".
"Mais si les camions ne sont pas fouillés, c'est normal de ne rien trouver. Les procédures de contrôles aux frontières doivent être renforcées", fait observer le général Pittard.
Au total, l'Irak a ouvert 12 points d'entrée sur son territoire, dont 7 à la frontière avec l'Iran, 2 avec la Syrie, 1 avec la Jordanie, 1 avec le Koweït et 1 avec l'Arabie Saoudite, ouvert seulement durant le Haj, le pèlerinage annuel musulman à la Mecque.
Recrutés localement, les garde-frontières appartiennent à la même tribu que les gens qu'ils contrôlent, des tribus qui s'étendent des deux côtés de la frontière, kurdes au nord ou chiites au sud.
"L'idéal serait de mélanger des gardes sunnites, chiites et kurdes à toutes les frontières, mais nous voulons respecter la tradition irakienne", explique le général Pittard.
"Il va falloir fortement améliorer la situation ici. On ne peut pas sécuriser Bagdad si on ne sécurise pas les frontières", assène le sergent-major Bobby Moore qui l'accompagne.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.