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Au Kurdistan d'Irak, Jalal Talabani se bat pour sa survie politique


Lundi 17 mai 2010 à 09h36

SOULEIMANIYEH (Irak), 17 mai 2010 (AFP) — Le président irakien Jalal Talabani, dont la survie politique est menacée dans son fief du Kurdistan, veut rajeunir et assainir son parti, après des récents revers électoraux face à des dissidents qui accusent la direction d'être vieillie et corrompue.

L'Union patriotique du Kurdistan (UPK) organise début juin à Souleimaniyeh, le troisième congrès depuis sa création en 1975, après une scission du mouvement historique kurde, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK).

"Nous faisons face à des développements politiques et idéologiques importants et le but du congrès est d'établir une nouvelle politique basée sur cette nouvelle réalité", a affirmé à l'AFP Aref Qourbani, un responsable des médias à l'UPK.

"Je pense que l'on assistera à des changements, notamment l'accession des jeunes et de femmes à la direction", a-t-il ajouté.

La "nouvelle réalité" dont parle M. Qourbani signifie en termes pudiques la plus grave crise de l'histoire de l'UPK. Une partie de son électorat, traditionnellement urbain, déçue par des années de clientélisme et de corruption, s'est tournée vers un nouveau parti d'opposition, Goran.

Ce mouvement dirigé par Noucherwan Moustapha a été créé en 2009 par d'anciens membres de l'UPK las de voir leurs demandes de réformes renvoyées aux calendes grecques. Il est allé chasser sur les terres traditionnelles de M. Talabani, s'imposant en un an comme le deuxième courant politique au Kurdistan après les deux partis traditionnels.

"Tout le monde reconnaît que Goran est devenu une réelle force politique dans la région", lance satisfait Moustapha Sayyid Qader, du bureau politique de cette jeune formation.

L'autre péril pour Jalal Talabani est la perte de terrain face à son allié et vieux rival, le puissant président du Kurdistan, Massoud Barzani.

Ennemis farouches pendant plus de 20 ans, Talabani et Barzani se sont lancé dans une guerre sanglante entre 1994 et 1998 autour du contrôle des rentes des routes de contrebande qui avait tourné d'abord à l'avantage de Talabani avant qu'ils ne signent des accords sur un partage du pouvoir au Kurdistan.

Mais aujourd'hui, c'est Massoud Barzani qui a pris l'ascendant en préférant rester maître chez lui et en laissant Jalal Talabani aller à Bagdad devenir en 2006 le chef de l'Etat irakien.

"L'UPK connaît une situation difficile et sans changement radical dans sa politique et son organisation, il se réduira à une seule famille", les Talabani qui ont la mainmise sur le parti, explique Sardar Mohammed un journaliste kurde.

Pour M. Qader, les soupçons de corruption n'expliquent pas seuls la perte de la popularité de l'UPK. "Il y a les promesses non tenues pendant des années en premier lieu sur les zones disputées dont Kirkouk, l'absence de services de base aux citoyens alors qu'il y a de l'argent dans les caisses", dit-il.

Les Kurdes veulent annexer la ville pétrolière de Kirkouk et d'autres zones disputées à leur province, devenue autonome après la guerre du Golfe en 1991, ce que le gouvernement de Bagdad rejette.

Reste à savoir, si l'UPK est capable d'une telle mutation. "Je ne crois pas qu'il y aura de grands changements, ni dans la politique, ni dans la structure du parti", estime Assos Hardi, journaliste et fondateur d'un des trois journaux indépendants kurdes "Awini".

"Au contraire, il est probable que ce congrès ne fasse que consacrer le pouvoir absolu" de Jalal Talabani, ajoute-t-il.

Personne ne devrait en effet briguer la direction face à lui. "Jusqu'à présent, il n'y a aucun concurrent à Talabani et je ne crois pas qu'il y en aura", affirme Farid Assasrad, un membre de la direction du mouvement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.