Mercredi 4 novembre 2009 à 12h34
CAMP DE MAHMUR (Irak), 4 nov 2009 (AFP) — Au camp de réfugiés de Mahmur (nord de l'Irak), 12.000 Kurdes de Turquie chassés par les violences attendent depuis 15 ans l'heure du retour. En dépit d'ouvertures d'Ankara, celle-ci n'est pas encore venue, affirment ces partisans affichés de la rébellion kurde.
La position des exilés est unanime: "Nous sommes ici pour une cause, et tant que nous n'aurons pas obtenu satisfaction, nous ne pourrons pas rentrer", résume Makbule Ören, 29 ans, mère de six enfants.
Alors que le gouvernement turc prévoit des réformes pour améliorer les droits des Kurdes, dont il doit révéler les grandes lignes la semaine prochaine, les habitants du camp, érigé en 1998 dans une zone semi-désertique à une cinquantaine de kilomètres au sud d'Erbil, posent leurs conditions.
Elles ne sont autres que celles des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK): reconnaissance constitutionnelle de l'identité kurde, enseignement en langue kurde, autonomie régionale, et arrêt immédiat des combats.
Et pour cause. "Nous sommes tous des partisans du PKK, même si nous n'en sommes pas membres", affirme Mahmud Manav, un des conseillers municipaux du camp. "Nous sommes les familles du PKK. Nos frères, nos enfants se battent en ce moment dans ses rangs."
Au coeur de la petite ville, un mausolée abritant les photos de près de 600 "martyrs" (rebelles morts au combat) originaires du camp, atteste de la puissance des liens unissant les exilés au PKK, un mouvement considéré comme terroriste par Ankara et de nombreux pays.
Des liens forgés par un destin tragique, aujourd'hui conté aux 5.000 enfants du camp comme un "destan", une épopée: la fuite à travers les montagnes en 1994, alors que le conflit kurde battait son plein en Turquie, puis quatre ans d'errance dans le nord de l'Irak, soumis au harcèlement des Kurdes d'Irak, alors alliés d'Ankara contre le PKK.
Les exilés ont finalement trouvé refuge sur le 36e parallèle, dans le no man's land qui séparait alors le nord de l'Irak, sous contrôle kurde, du sud, aux mains du régime de Saddam Hussein.
"D'un côté, les Kurdes irakiens tiraient sur nous, de l'autre, c'était les champs de mines de Saddam", se souvient M. Manav, dont un fils a perdu une jambe dans l'explosion d'une mine. "Nous couchions nos enfants sous des sacs en plastique, au milieu des scorpions... En une seule nuit 51 personnes ont été piquées par des scorpions."
Depuis, la situation a considérablement évolué: le Haut-commissariat pour les réfugiés de l'ONU a pris le camp en charge, les réfugiés ont bâti des maisons de parpaings, des écoles, des cafés. Ils peuvent travailler sur les chantiers et dans les champs alentour.
S'ils mettent en avant leur dévouement à la "cause", les habitants de Mahmur n'en expriment pas moins le désir de rentrer au pays.
"Bien sûr que le pays me manque beaucoup (...) Les gens de notre famille qui sont restés là-bas se sont mariés, ils ont eu des enfants qu'on n'a jamais vus", lance Makbule.
Une initiative du PKK, qui a envoyé le mois dernier huit rebelles et 26 réfugiés se présenter à la frontière turque dans un geste de paix, a mis en évidence cette aspiration au retour.
Pour désigner les membres de ce "groupe de paix", les responsables du camp ont ouvert un appel à candidature. "En une journée, nous avons reçu 400 candidatures. Si notre assemblée municipale l'avait autorisé, tout le monde, de 7 à 77 ans, aurait déposé une demande", déclare M. Manav.
Le conflit kurde en Turquie a fait quelque 45.000 morts, selon l'armée turque, depuis le début de l'insurrection du PKK, en 1984.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.