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Arrestations massives au sein du parti prokurde après l'attentat d'Istanbul


Lundi 12 decembre 2016 à 12h57

Ankara, 12 déc 2016 (AFP) — La Turquie a arrêté lundi près de 200 membres du principal parti prokurde et frappé en Irak des cibles de la rébellion kurde, dont un groupe dissident a revendiqué un attentat qui a fait plus de 40 morts au coeur d'Istanbul.

Les arrestations ont visé dans l'ensemble du pays 198 membres du Parti démocratique des peuples (HDP), dont le chef de file Selahattin Demirtas et une dizaine de députés ont déjà été placés en détention début novembre dans le cadre des purges menées après la tentative de putsch de juillet.

Ces arrestations surviennent après le double attentat qui a fait 44 morts, dont 36 policiers, samedi soir à Istanbul selon un nouveau bilan fourni par le ministre de la Santé, Recep Akdag.

L'attentat, l'un de plus meurtriers à frapper la mégalopole turque ces dernières années, a été revendiqué par un groupe radical kurde lié au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), Les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK).

Le président turc Recep Tayyip Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et a fait savoir qu'il ne considérait plus cette formation comme un interlocuteur légitime, qualifiant régulièrement ses membres de "terroristes".

Parmi les personnes arrêtées figurent notamment les chefs de section du HDP à Istanbul, Aysel Guzel, et à Ankara, Ibrahim Binici, selon l'agence progouvernementale Anadolu.

Les membres du HDP arrêtés sont soupçonnés d'appartenance au PKK, considéré comme un groupe terroriste par Ankara, ou d'en relayer la propagande, a ajouté Anadolu.

Outre les arrestations, les représailles de la Turquie ont visé la rébellion kurde dans le nord de l'Irak.

L'armée turque, citée par l'agence Dogan, affirme avoir frappé "des membres d'une organisation terroriste séparatiste", en référence au PKK, dans la région du Zab, dans le nord de l'Irak, détruisant leur quartier général ainsi que des abris et des positions armées.

- 'Volonté de vengeance' -

Dans des tribunes publiées par le journal Hurriyet, des éditorialistes ont critiqué la politique du gouvernement qui semble selon eux mue par une volonté de vengeance sans stratégie claire susceptible de mettre fin aux attentas.

"Le ministre (de l'Intérieur Süleyman) Soylu a dit que seule la vengeance était dans l'immédiat à l'ordre du jour du gouvernement. C'était une formule malheureuse à utiliser car cela laisse entendre que la gouvernement n'a pas de stratégie plus profonde pour lutter contre la vague actuelle d'attaques", a écrit Murat Yetkin.

"Ca suffit avec le président, le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur et d'autres se fendant d'une rhétorique politique vide promettant des campagnes de vengeance contre le terrorisme. L'heure est aux actes. Ceux qui se sont montrés incapables et incompétents doivent se retirer ou être relevés de leur fonctions", a renchéri Yusuf Kanli.

Le journal progouvernemental Daily Sabah a pour sa part dénoncé ce qu'il perçoit comme un manque d'action des Etats-Unis et de l'Union européenne contre le PKK et ses émanations, jugeant hypocrites leurs condamnations de l'attaque et leurs condoléances présentées au peuple turc.

"Inutile de dire que tout le monde en Turquie a apprécié l'ironie de voir des Etats parrains du terrorisme pleurer la mort d'innocents tués par leurs caniches assoiffés de sang", a écrit le journal dans un éditorial au vitriol.

Pour Jean Marcou, professeur à Sciences Po Grenoble et chercheur associé à l'Institut français d'études anatoliennes, la volonté du gouvernement de calmer l'opinion publique après l'attaque "risque de favoriser une répression accrue contre le HDP".

Il estime que des attaques comme celle d'Istanbul font le jeu à la fois des nationalistes turcs et "de la branche extrême de la mouvance kurde" qui ne veulent pas d'une solution politique du conflit armé entre Ankara et le PKK.

"Je crois que cette option a été dynamitée par le nationalisme turc et par les mouvements extrêmes comme le TAK", a-t-il dit.

Le HDP "qui a tenté de jouer la carte de la politique, est d'ailleurs la première victime de la répression qui suit les attentats", a ajouté M. Marcou.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.