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Après les raids turcs, panique et colère dans le nord-est de la Syrie


Dimanche 20 novembre 2022 à 17h01

Al Malikiyah (Syrie), 20 nov 2022 (AFP) — Dans la ville d'Al-Malikiyah, dans l'extrême nord-est de la Syrie, les rues étaient pratiquement désertes dimanche après une nuit de panique, au rythme des frappes aériennes turques ayant visé des régions kurdes du nord et nord-est.

Quelques heures après ces raids qui ont fait une trentaine de morts en Syrie, tous les magasins d'Al-Malikiyah restaient portes closes et les passants étaient rares.

Seules quelques dizaines de personnes ont brièvement manifesté pour dénoncer les attaques turques, dire leur colère, mais aussi leur sentiment d'avoir été "abandonnés" par les Etats-Unis.

"L'Amérique est le partenaire du (président turc Recep Tayyip) Erdogan, dont les mains sont tachées du sang de nos martyrs. L'Amérique aurait pu empêcher le meurtre de nos combattants qui ont payé de leur sang pour nous protéger", a expliqué une manifestante à un correspondant de l'AFP, sous couvert de l'anonymat.

"Mort à l'Amérique", scandait cette femme, usant d'un slogan inhabituel dans une zone où les forces américaines sont déployées au sein de la coalition internationale contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Les manifestants brandissaient des drapeaux kurdes et des photos du chef rebelle kurde Abdullah Ocalan, emprisonné en Turquie.

- "Où fuir ? "-

La Turquie a lancé une opération aérienne baptisée "Griffe Epée", dans le nord de l'Irak et de la Syrie voisine. Elle a visé des régions sous contrôle des forces kurdes syriennes et du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), accusées par Ankara de servir de bases à des "terroristes".

Entre 2016 et 2019, la Turquie avait déjà mené trois opérations d'envergure dans le nord de la Syrie qui ciblaient les milices et organisations kurdes, prenant le contrôle d'Afrine et poussant de nombreux civils à fuir.

A Al-Malikiyah, Mohammed Rajab, 65 ans, fut l'un de ceux qui fuirent Afrine il y a quatre ans. Mais aujourd'hui, "où peut-on fuir ?", demande-t-il. "On n'a plus d'endroit où aller. On s'en remet à à Dieu".

"On a peur parce qu'on est déjà passé par là, on retrouve la même peur quand on entend le bruit des avions et des frappes", ajoute le sexagénaire.

Les raids ne sont cependant pas venus comme une surprise : dans la région, on les redoutait, la Turquie, qui a des soldats présents dans le nord de la Syrie, ayant intensifié depuis mai ses menaces d'offensive contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes.

"Chaque fois que des menaces sont proférées, on a peur, on ne peut pas dormir et l'activité dans la ville s'arrête", raconte la propriétaire d'une boutique de confiseries, Abir Mohammed.

"On pense partir, mais à qui laisse-t-on nos maisons ?", demande-t-elle à son tour.

- "Soutenez Kobané" -

Ces sentiments de peur et d'impuissance étaient partagés par des habitants de Kobané, principale cible des raids de la nuit.

"On craint pour nos enfants et nos familles. On ne sait pas où aller", a déclaré par téléphone à l'AFP Bozan Ahmed, de Kobané.

Certains habitants sont cachés dans des abris ou sous-sols d'immeubles, d'autres ont fui vers les villages, ajoute-t-il.

"La peur règne parmi les civils, on ne sait pas si les bombardements vont continuer ou non".

Là aussi, de nombreux commerces et écoles ont fermé, selon les habitants.

Kobané était devenue un symbole de la résistance kurde lorsque les Unités de protection du peuple (YPG), la principale milice kurde de Syrie, soutenue par la coalition internationale, avaient repoussé en janvier 2015 le groupe Etat islamique.

"La ville héroïque de Kobané a arrêté l'organisation terroriste Daech (acronyme arabe de l'EI) et protégé l'humanité, et la communauté internationale doit la soutenir aujourd'hui", a tweeté Nouri Mahmoud, porte-parole des YPG.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.