Vendredi 27 juin 2025 à 16h05
Paris, 27 juin 2025 (AFP) — Après le cessez-le feu qui a mis fin à 12 jours de guerre et de frappes israéliennes, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, est désormais au défi de maintenir son autorité sur la République islamique, qu'il dirige depuis plus de 35 ans, selon plusieurs experts.
Le dirigeant de 86 ans est apparu jeudi dans un discours, où il a clamé la "victoire" de l'Iran sur Israël et assuré avoir "infligé une gifle cinglante au visage de l'Amérique".
Au-delà du discours provocateur, de nombreux analystes interrogés par l'AFP ont noté la voix basse et rauque de celui qui a été nommé guide suprême à vie en 1989. "Bien loin du grand orateur que nous connaissons", souligne Arash Azizi, chercheur à l'Université de Boston.
Alors que ses interventions régulières avant la guerre avaient lieu généralement en public, il a cette fois été filmé devant un rideau marron et un portrait du fondateur de la République islamique, l'ayatollah Khomeini, laissant penser qu'il vit toujours caché pour éviter toute tentative d'assassinat - une option qu'Israël n'a jamais écartée.
"S'il avait été dans notre ligne de mire, nous l'aurions éliminé" pendant la guerre, a déclaré jeudi soir le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, ajoutant que Khamenei "s'est enfoncé très profondément sous terre ce qui fait qu'en fin de compte, ce n'était pas réaliste".
- "Crédibilité" entamée -
Si le conflit n'a pas fait tomber le pouvoir en place à Téhéran depuis la révolution de 1979, Israël a démontré sa supériorité militaire et sa profonde infiltration des services de renseignement iraniens, éliminant avec des frappes ciblées plusieurs figures du premier cercle autour du guide suprême.
Cette guerre est venue s'ajouter à d'autres revers subis par l'Iran depuis un an, avec l'affaiblissement de ses alliés du Hamas palestinien et du Hezbollah libanais frappés par Israël, la chute de Bachar el-Assad en Syrie, sur fond de crise économique et de pénuries énergétiques dans le pays.
"À l'heure actuelle, le régime n'apparaît pas sur le point de tomber", estime Thomas Juneau, professeur à l'Université d'Ottawa, "mais il est certainement plus vulnérable qu'il ne l'a jamais été depuis les premières années de la révolution".
"L'autorité du guide suprême a été clairement mise à mal. Même si sa position reste assurée, dans la mesure où il est peu probable qu'il y ait une remise en cause directe de son pouvoir pour l'instant, il a perdu de sa crédibilité et porte une responsabilité directe dans les pertes majeures subies par la République islamique", ajoute-t-il.
"C'est clair qu'il est une figure diminuée, qu'il n'a plus d'autorité et qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même. Le pouvoir à Téhéran est déjà en train de passer entre différentes institutions et factions, et la bataille pour sa succession ne fera que s'intensifier dans les années à venir", estime Arash Azizi.
- "Mis à l'écart" -
En Iran, la question de la succession d'Ali Khamenei, âgé de 86 ans et paralysé du bras droit depuis une tentative d'assassinat en 1981, est taboue.
Le guide suprême a déjà fait face à plusieurs crises et mouvements de contestation, qu'il a notamment écartés via une sévère répression d'Etat, comme lors des manifestations de 2022-2023 déclenchées par la mort en détention de Mahsa Amini, une Kurde iranienne détenue pour avoir prétendument enfreint le code vestimentaire strict imposé aux femmes.
Selon des militants des droits humains, des centaines de personnes ont été arrêtées lors d'une nouvelle vague de répression au lendemain du conflit.
Le New York Times et Iran International, chaîne de télévision en langue persane basée hors d'Iran et critique du pouvoir de Téhéran, ont affirmé qu'il avait passé la guerre dans un bunker, sans communiquer avec l'extérieur par crainte d'être traqué et assassiné.
Selon Iran International, il n'a pas participé aux discussions qui ont abouti à la trêve, menées par le Conseil de sécurité nationale et le président Massoud Pezeshkian. Cette affirmation n'a pas été confirmée.
"Je reste sceptique sur les théories selon lesquelles Khamenei aurait été mis à l'écart", affirme de son côté Jason Brodsky, de l'organisation américaine United Against Nuclear Iran. D'après lui, "la guerre suscitera un débat au sein de l'élite politique de la République islamique sur la meilleure façon de reconstruire les capacités du système, mais au final, c'est toujours Khamenei qui décide".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.