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Ankara exhorte la France d'élucider le meurtre de trois militantes kurdes


Samedi 12 janvier 2013 à 14h20

ANKARA, 12 jan 2013 (AFP) — Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté la France, samedi, d'élucider "immédiatement" le meurtre de trois militantes kurdes, dans la nuit du mercredi à jeudi, à Paris, invitant en même temps le président français à s'expliquer sur ses entretiens avec les rebelles du PKK.

"La France doit immédiatement élucider cette affaire", a indiqué M. Erdogan à la télévision. "Aussi, le chef de l'état doit expliquer immédiatement aux Français, aux Turcs et au reste du monde, pourquoi... il est en relation avec ces terroristes", a-t-il ajouté.

Le président François Hollande a déclaré que l'assassinat de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Soylemez, était "terrible" et a ajouté qu'il connaissait l'une de ces trois femmes kurdes, et qu'elle "nous rencontrait régulièrement".

Les trois militantes, liées au Parti des travailleurs du Kurdistan, ont été tuées par balles dans les locaux d'une association de leur communauté à Paris, dans le 10e arrondissement, où leurs corps ont été retrouvés dans la nuit de mercredi à jeudi.

Elles ont été vues vivantes pour la dernière fois au sein de leur association, mercredi à la mi-journée.

Sakine Cansiz, considérée comme proche du chef emprisonné de la rébellion, Abdullah Ocalan, était l'un des membres fondateurs du PKK, qui mène une lutte armée contre l'armée turque depuis 1984 pour obtenir l'autonomie du Sud-est du pays peuplé majoritairement de Kurdes. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par la Turquie et un bon nombre de pays.

"Comment peut-il rencontrer régulièrement ces gens qui sont membres d'un mouvement placé dans la liste de l'Union européenne des organisations terroristes et pour lequel Interpol a émis un avis de recherche (bulletin rouge)", s'est emporté Erdogan, faisant référence au président français. "C'est quoi, cette politique?" s'est-il exclamé.

Le leader turc accuse de manière récurrente des pays européens, comme la France et l'Allemagne, d'entraver la lutte d'Ankara contre les séparatistes du PKK, leur reprochant de les laisser circuler librement sur leur sol.

"Sakine Cansiz a été arrrêtée en 2007 en Allemagne. Elle a ensuite été relâchée en dépit des demandes d'extradition de la Turquie", a déclaré M. Erdogan.

"Nous avons informé les bureaux français d'Interpol en novembre 2012 qu'elle se trouvait à Paris. Malheureusement, la France n'a pris aucune mesure, " (pour l'extrader vers la Turquie), a-t-il ajouté.

Les rebelles kurdes du PKK ont averti vendredi qu'ils tiendraient l'Etat français pour "responsable" s'il n'élucidait pas immédiatement le meurtre des trois femmes, tandis qu'Ankara estimait que ce meurtre semblait être le résultat d'une querelle interne, indiquant que les victimes avaient apparemment ouvert la porte de l'association à leurs assassins.

M. Erdogan a insisté samedi sur le fait que la raison la plus problable de ce meurtre était une querelle interne.

"Bon sang, je pose la question. Cette organisation terroriste est-elle vraiment innocente? N'a-t-elle pas déjà commis ce genre d'actions?" s'est insurgé Erdogan.

Les médias locaux ont rapporté samedi que les services secrets turcs avaient ouvert une enquête sur ces meurtres aux allures d'exécutions à Paris. Des milliers de Kurdes venus de toute l'Europe manifestaient dans la capitale française samedi pour exprimer leur indignation après cet assassinat.

"Les services compétents enquêtent sur cette affaire. Nous devrons attendre deux jours pour avoir une idée plus nette" sur la question, a rapporté le journal Hurriyet Daily News, citant une source aux services secrets turcs.

M. Erdogan a maintenu que le crime avait peut-être été commis pour saborder les négociations de paix entre Ankara et Ocalan.

Evoquant la question kurde, M. Erdogan a ajouté: "S'il plaît à Dieu, ce problème sera résolu; aujourd'hui ou demain, tôt ou tard".

"Nous procédons de manière déterminée. Nous sommes plein d'espoir, optimistes et considérons le processus d'une manière positive, mais tout en étant aussi prudents et circonspects" a-t-il précisé.

Le meurtre des trois femmes est survenu quelques jours après que les médias turcs ont rapporté que les autorités turques et la direction du PKK s'étaient mises d'accord sur un projet visant à mettre un terme à ce conflit qui a coûté la vie à plus de 45.000 personnes depuis 1984.

L'accord aurait été conclu après une nouvelle série de négociations entre Ankara et Ocalan, qui, selon le gouvernement, ont été lancées dans l'objectif d'un désarmement des rebelles.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.