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Affaire Videlaine: la fille de l'accusé s'accable pour avoir enfreint les "règles" familiales


Mercredi 21 septembre 2022 à 17h43

Beauvais, 21 sept 2022 (AFP) — Son père est jugé pour avoir massacré son petit ami, mais elle se dit "seule responsable". En larmes, la fille de Muhittin Ulug a regretté mercredi avoir enfreint "les règles" de sa famille franco-kurde en cachant sa relation amoureuse.

Elle a un bref regard pour son père en arrivant à la barre de la cour d'assises de l'Oise. Et garde les mains croisés pendant son audition, sauf pour essuyer une larme. Les yeux baissés quand elle répond aux questions.

"La seule responsable de ce qui s'est passé, c'est moi. Je n'ai pas fait les choses dans les règles", lance cette jeune femme de 27 ans.

Elle en avait 19 le jour des faits, quand son père, aujourd'hui âgé de 52 ans, a porté 19 coups de couteau à son petit ami, Julien Videlaine, après avoir surpris leur rendez-vous amoureux au domicile familial en juillet 2014.

Elle insiste: "Si j'avais fait les choses correctement, on n'aurait pas subi tout ça". La présidente lui demande de préciser sa pensée. "J'aurais dû le présenter à ma famille, il y aurait eu les fiançailles...".

"Qui est la victime dans ce procès ?", demande la juge. "C'est Julien", murmure-t-elle. "Si je pouvais donner ma vie pour Julien et prendre la place de mon père, je le ferais."

- "Excuses" -

Au tour de l'avocat général d'interpeller la jeune femme: "Avez-vous pensé que la différence de vos origines pouvait engendrer des difficultés?". "On était amoureux on a pas pensé à ça", répond-elle. La victime, un Français d'origine kabyle, "était beau, gentil, attentionné. On voulait se marier, fonder une famille."

Mais la relation se vit "en cachette", poursuit celle qui n'a "pas le droit de sortir". Dans son téléphone, elle va jusqu'à dissimuler les contacts masculins sous des prénoms féminins.

Sa mère l'écoute, prostrée dans la salle. Son père tête baissée dans le box.

Cet ancien restaurateur a présenté mercredi ses "excuses" à la famille de la victime. "Je ne comprends pas mon acte. Je n'ai jamais été un homme violent", affirme-t-il, lui qui a fui en Turquie après les faits, avant d'être extradé en 2019.

"Ma fille n'est pas coupable. C'est moi qui a commis ces actes", ajoute-t-il.

Excluant tout "crime d'honneur" en réponse à une question de son avocat, il s'accroche à sa version: une "perte d'esprit" à la vue de cet homme nu avec sa fille, qu'il croyait en danger. Sans éviter contradictions et trous de mémoire.

- "T'inquiète pas" -

Ce jour-là, il dit avoir constaté à son arrivée chez lui que toutes les portes étaient verrouillées. Contraint de passer par une fenêtre ouverte, il entend des voix à l'étage.

"J'ai pensé que la vie de ma fille était peut-être en danger. J'avais peur", poursuit-il. Il se saisit d'un couteau, monte à l'étage, frappe à la porte de la salle de bain.

"J'ai vu un jeune homme tout nu. J'ai perdu l'esprit. Après, je ne me souviens plus de rien."

La présidente l'interroge: n'a-t-il pas entendu les supplications de la victime ? Ni vu sa propre fille s'interposer au point de la blesser ? "Je ne m'en souviens pas". Pourquoi avoir laissée seule avec le cadavre celle qu'il disait vouloir protéger ? "J'ai perdu mon courage."

La scène de crime est "hors normes": 19 coups avec un "couteau de cuisine entièrement métallique, épais, très lourd", occasionnant "30 plaies" notamment au visage et sur le torse, selon le légiste.

Sa fille, elle, dit n'avoir "jamais vu (son) père comme ça". Elle était "paniquée", concède-t-elle, quand elle a vu l'ombre de ses pieds sous le pas de la porte.

Mais dans la salle de bain, Julien Videlaine, lui, était confiant. Il l'avait embrassée. Avant d'ajouter: "T'inquiète pas, ça va bien se passer."

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.