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A un Au procès des passeurs de migrants de Lille, le défi de décrypter un système opaque


Jeudi 19 juin 2025 à 12h58

Lille, 19 juin 2025 (AFP) — Migrants, "petit commis" ou têtes pensantes? Au procès à Lille de passeurs présumés pour un naufrage de migrants qui avait fait huit morts dans la Manche fin 2022, le tribunal tente de décrypter l'organigramme d'un réseau opaque, aux frontières poreuses.

Neuf hommes de 21 à 40 ans sont jugés depuis lundi et jusqu'à vendredi par le tribunal correctionnel de Lille pour leur rôle dans ce naufrage qui avait fait quatre morts et quatre disparus dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022.

Face au schéma établi par les enquêteurs avec les rôles présumés de chacun, les prévenus démentent, ou minimisent leur rôle.

Un Kurde irakien de 40 ans à la longue chevelure brune un peu seventies se présente comme un "petit commis", chargé de transporter eau et nourriture pour les passagers.

Mais selon les autres prévenus, il serait le numéro 3 du réseau. Le numéro 1 serait un prévenu afghan en fuite et jugé en son absence, le numéro 2 un autre Afghan détenu en Belgique, qui lui sera jugé ultérieurement.

"Je n'ai pas exposé les autres à la mort, j'ai juste fait le chauffeur", martèle le Kurde irakien à la barre.

L'enquête montre pourtant qu'il se déplaçait de nuit, ne parlait jamais de ses activités par téléphone, et transmettait, avant le passage, la date et les points de localisation du départ.

"Ne pensez-vous pas que tous ces éléments ne soient pas compatibles avec le rôle de quelqu'un qui apporte des sandwichs et de l'eau ?", interroge la présidente du tribunal.

Certains prévenus se présentent comme des migrants qui auraient participé à l'organisation en échange du droit de tenter la traversée.

Un Kurde de 26 ans, chétif et abattu, reconnaît ainsi avoir porté le moteur du bateau, tout en assurant que c'était dans l'espoir d'embarquer. "Mais il n'y avait plus de place", affirme-t-il.

Les prévenus présentent tous des parcours migratoires, et certains avaient déjà tenté la traversée vers l'Angleterre. Mais si l'un d'eux avait essayé de franchir la Manche moins de deux mois avant les faits, d'autres étaient en Europe continentale depuis une dizaine d'années.

"Je n'ai pas travaillé comme passeur", jure un trentenaire afghan, boucher intérimaire, face à la présidente qui lui rappelle qu'il avait proposé ses propres tarifs de traversées.

Signe que les départs clandestins se poursuivent malgré des démantèlements de réseaux de passeurs, le nombre de personnes arrivées au Royaume-Uni depuis le début de l'année a augmenté de 40% par rapport à 2024, selon des chiffres transmis mercredi par le ministère de l'Intérieur français.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.