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A peine rentré d'Ethiopie, Blinken y dénonce des crimes de guerre


Lundi 20 mars 2023 à 21h22

Washington, 20 mars 2023 (AFP) — Les Etats-Unis ont conclu que les forces armées éthiopiennes et érythréennes, ainsi que les rebelles tigréens, ont commis des crimes de guerre au cours des deux années de conflit sanglant dans la région du Tigré, a annoncé lundi le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, quelques jours après sa visite dans ce pays.

"Beaucoup de ces actes n'ont pas été commis au hasard ou résulté d'une conséquence indirecte de la guerre. Ils étaient calculés et délibérés", a déclaré le secrétaire d'Etat américain devant la presse à l'occasion de la publication du rapport annuel du département d'Etat sur les droits humains.

Il a précisé que le département d'Etat avait mené une "enquête approfondie de la loi et des faits" et conclu que ces crimes de guerre avaient été commis par toutes les parties en présence, y compris par des forces venant de la région voisine de l'Amhara.

M. Blinken a aussi évoqué des "crimes contre l'humanité" commis par les forces éthiopiennes, érythréennes et Amhara, mais sans faire mention des rebelles tigréens.

"Nous exhortons les gouvernements d'Ethiopie et d'Erythrée, ainsi que le TPLF (mouvement rebelle du Front de libération du peuple du Tigré, ndlr) à faire rendre des comptes aux responsables de ces atrocités", a-t-il encore déclaré.

- Dévastateur -

"Le conflit dans le nord de l'Ethiopie a été dévastateur. Des hommes, femmes et enfants ont été tués. Des femmes et des filles ont été sujettes à des formes de violences sexuelles inouïes. Des milliers de personnes ont été déplacées de force. Des communautés entières ont été prises pour cible en raison de leur origine ethnique", a-t-il poursuivi.

Le bilan exact est difficile à évaluer, mais les Etats-Unis estiment que quelque 500.000 personnes ont péri durant ce conflit.

En visite à Addis Abeba la semaine dernière, M. Blinken n'avait pas explicitement évoqué des crimes de guerre ou contre l'humanité, et avait appelé à "la réconciliation" et à établir "les responsabilités" dans les atrocités du conflit au Tigré.

Il s'était notamment longuement entretenu avec le Premier ministre Abiy Ahmed, avec qui Washington nourrit des relations compliquées, puis avec des représentants des autorités rebelles de la région du Tigré, dans le nord de l'Ethiopie.

Les deux parties ont promis d'appliquer l'accord de paix signé le 2 novembre à Pretoria, qui a mis fin à deux ans de conflit meurtrier, avait-il alors assuré.

Interrogé pour savoir pourquoi il n'avait pas dénoncé des crimes de guerre lorsqu'il était sur place, M. Blinken a esquivé en répondant qu'il était "approprié" de le faire à l'occasion de la publication du rapport annuel sur les droits humains.

Parlant d'une qualification attendue de "longue date", le parlementaire républicain James Risch, membre de la commission des Affaires étrangères du Sénat, a déploré, dans un communiqué, "l'inaction" du gouvernement américain et appelé à des sanctions.

"Malheureusement, cette administration n'a toujours pas pris de mesures afin que les Ethiopiens responsables de ces crimes odieux contre des milliers de civils innocents rendent des comptes", a-t-il dit.

- "Génocide" au Xinjiang -

M. Blinken était le plus haut responsable américain à visiter le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique depuis le déclenchement de la guerre au Tigré, en novembre 2020.

Abiy Ahmed avait à cette période envoyé l'armée fédérale au Tigré, accusant les autorités régionales, qui contestaient son pouvoir depuis plusieurs mois, d'y avoir attaqué des bases militaires.

La région était dirigée par le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti ayant gouverné de fait l'Ethiopie de 1991 à 2018, progressivement marginalisé par M. Abiy.

Le conflit a débordé dans les régions voisines de l'Amhara et de l'Afar, dont les forces ont soutenu l'armée fédérale, également appuyée par l'armée de l'Erythrée, ennemie historique du TPLF.

Dans son rapport annuel, mandaté par le Congrès américain, le département d'Etat accuse en outre la Russie de "destructions massives" en Ukraine depuis son invasion du pays en février 2022, et les forces armées russes "d'exécutions sommaires de civils (...) et de violences sexuelles visant des femmes et enfants".

La Chine est également ciblée, Washington accusant Pékin d'avoir continué à perpétrer un "génocide et crimes contre l'humanité" contre la minorité musulmane des Ouïghours dans la province du Xinjiang, tout comme l'Iran pour sa "violente répression" des manifestations après la mort de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans qui avait été arrêtée en septembre dernier pour infraction au code vestimentaire.

La Birmanie, l'Afghanistan, le Soudan du Sud, la Syrie, le Cambodge, Cuba et le Venezuela sont également mis au banc des accusés.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.