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A la frontière avec l'Irak, des Iraniens décrivent la peur des raids israéliens, et les pénuries


Mercredi 18 juin 2025 à 14h01

Penjwen (Irak), 18 juin 2025 (AFP) — Au poste-frontière de Bashmakh, qui mène du Kurdistan irakien à l'Iran, Fattah rentre chez lui avec des sacs de riz, du sucre et du thé, pour faire face aux pénuries dans son pays, pris depuis six jours dans une confrontation militaire avec Israël.

Sur une trentaine de personnes rencontrées par l'AFP près du poste de contrôle, devant lequel patientent des dizaines de poids-lourds immatriculés en Iran, personne ne veut s'exprimer face caméra. En sens inverse, la route qui mène d'Iran vers le Kurdistan irakien est quasi-déserte.

Les rares Iraniens qui acceptent de raconter le quotidien de la guerre, le font sous couvert de pseudonyme, illustrant la crainte que suscite l'appareil répressif du pouvoir iranien.

Fattah, un camionneur de 40 ans, s'apprête à parcourir 1.700 km en Iran, du nord au sud, pour livrer sa cargaison de goudron à Bandar Abbas. Avant de repartir retrouver sa famille à Marivan, ville du Kurdistan iranien.

"Ma route passe près du site nucléaire de Natanz", lâche-t-il - une des premières cibles de l'attaque israélienne lancée le 13 juin contre l'Iran.

Son quotidien en Iran est compliqué par "un problème de ravitaillement en diesel et en essence."

"Avant on pouvait faire le plein à tout moment", déplore cet homme revêtu d'une tenue kurde traditionnelle. "Maintenant les stations sont bondées et les prix ont augmenté".

- S'éloigner des zones militaires -

Mais du moins a-t-il pu faire en Irak le plein de provisions pour sa famille: en Iran "il y a des pénuries de nourritures, comme le riz, le pain, le sucre ou le thé".

Arrivé en Irak il y a trois jours, Aram, 28 ans, impute ces pénuries à la panique qui a saisi la population, qui se rue pour "acheter en grande quantité les denrées de première nécessité et les stocker à la maison".

A Sandandaj (ouest), "notre maison se trouve près d'une caserne militaire qui a été bombardée", assure ce père de deux enfants, qui appelle tous les jours son épouse.

"La famille va bien, mais ils ont déménagé chez des proches, dans un village" à l'extérieur de la ville.

Sa femme, dit-il, lui a raconté que plusieurs familles vivant près de sites militaires ont fait de même, s'éloignant des "zones militaires".

- "Etat de choc" -

Concessionnaire de voiture dans la ville de Boukan (nord-ouest), Shwan raconte aussi que des avions ont plusieurs fois bombardé "des sites militaires" dans sa région.

"Les gens sont dans un état de choc et désemparés, ils ne savent pas ce qu'ils doivent faire", dit-il.

"La situation économique est très difficile", lâche ce jeune homme kurde, joint par l'AFP via une application de téléphonie mobile, et qui a difficilement pu envoyer des messages vocaux au vu des perturbations d'Internet en Iran.

"Il y a un grand problème de pénurie de pain, les gens s'attroupent en masse devant les boulangeries. Dans les familles parfois ils sont quatre à faire le tour des boulangeries pour trouver suffisamment de pain", poursuit-il.

"Il est difficile de se procurer du riz ou de l'huile", ajoute-t-il, précisant que les fonctionnaires de l'Etat n'ont toujours pas été payés.

Originaire de la ville de Saqqez (nord-ouest), Avin, couturière de 38 ans, reconnaît que le conflit a "semé la peur chez les habitants", même si sa zone n'a pas été directement touchée par les frappes israéliennes.

"Certaines familles qui ont des enfants en bas-âge sont parties dans des villages à l'extérieur de la ville" explique-t-elle, jointe également par l'AFP via une application de téléphonie mobile.

Elle aussi reconnaît des difficultés dans l'approvisionnement: "la majorité des provisions viennent de Téhéran, et à cause de cela le marché de notre ville est quasiment à l'arrêt."

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.