Page Précédente

A Kirkouk, les habitants anxieux face aux bruits de botte


Vendredi 13 octobre 2017 à 15h48

Kirkouk (Irak), 13 oct 2017 (AFP) — Certains ont fermé leur magasin, d'autres se ruent dans les stations-service: à Kirkouk, les habitants scrutent avec anxiété les nouvelles du front où, à quelques kilomètres de là, combattants kurdes et forces irakiennes sont massés.

"J'ai fermé ma boulangerie parce que j'ai peur qu'un conflit militaire éclate et que les pauvres Irakiens en payent le prix", explique à l'AFP Metin Hassan, qui vit à Kirkouk, capitale de la province du même nom.

Les tensions étaient déjà palpables dans cette ville quand le gouverneur de Kirkouk avait décidé en septembre, contre l'avis de Bagdad, que le référendum d'indépendance du Kurdistan irakien se tiendrait également dans sa province.

Cette région pétrolière est sous la tutelle de Bagdad et ne fait pas partie du Kurdistan irakien mais Erbil la revendique.

Le chef de la police de Kirkouk, le général Khattab Aref, assure que "la situation sécuritaire est stable et aucun incident n'a été signalé" jusqu'à présent dans cette cité multicommunautaire où vivent plus d'un million de Kurdes, d'Arabes et de Turkmènes.

Pas de quoi rassurer les habitants qui se ruent avec des bidons en plastique dans les stations-service ou les civils kurdes des quartiers nord qui ont sorti les armes.

L'un d'eux, Khasro Abdallah, affirme à l'AFP qu'il est "prêt à combattre aux côtés des peshmergas", les combattants kurdes.

"On défendra Kirkouk jusqu'à la mort, on ne permettra à personne de l'attaquer", renchérit Aras Faqih, Kalachnikov en mains.

La ville de Kirkouk ne devrait pas être touchée par les opérations militaires, assure de son côté un officier de l'armée irakienne positionné à Taza, à quelques kilomètres au sud.

"Dans l'immédiat, nous n'avons pas prévu d'y entrer", affirme-t-il, avant d'ajouter, toujours sous le couvert de l'anonymat, qu"il n'y a eu aucun affrontement avec les peshmergas".

- 'A bas Massoud' -

Les combattants kurdes se sont toutefois massés dans le sud de Kirkouk face aux mouvements des troupes irakiennes, explique le général Rassoul Omar, en charge du front sud pour les peshmergas.

Aux alentours, les forces irakiennes sont déployées, avec leurs véhicules blindés surmontés de drapeaux irakiens, aux abords de l'autoroute menant vers Tikrit.

Leurs hommes sont désormais positionnés dans des zones dont les peshmergas se sont retirés dans la nuit de jeudi à vendredi.

Certains soldats s'employaient d'ailleurs à recouvrir de peinture les blocs de béton sur lesquels des drapeaux kurdes avaient été dessinés.

"A bas Massoud", était-il écrit sur l'un de ces blocs, en référence au président du Kurdistan irakien Massoud Barzani, grand architecte du référendum d'indépendance du 25 septembre, qui a brutalement aggravé les tensions entre Erbil et Bagdad.

C'est dans le sud de la province de Kirkouk que se trouvent les puits de pétrole, une ressource convoitée par le Kurdistan comme par Bagdad, dont les finances ont été grevées par la chute des cours du brut et trois années de lutte contre le groupe Etat islamique (EI).

En 2014, "ce sont les peshmergas qui ont empêché l'EI d'attaquer les infrastructures pétrolières, ainsi que les compagnies de gaz et d'électricité et qui ont protégé les habitants de Kirkouk", tient à rappeler Jaafar Cheikh Moustafa, commandant peshmerga à Kirkouk.

Aujourd'hui, "de hauts commandants peshmergas, dont le vice-président de la région autonome du Kurdistan Kosret Rassoul, se trouvent sur le front" de Kirkouk, prévient le gouverneur provincial Najm Eddine Karim.

"Plutôt que d'envoyer les troupes, Bagdad ferait mieux de trouver un autre moyen de régler les problèmes", juge ce Kurde limogé par le gouvernement irakien avant le référendum mais qui est resté à son poste. "La guerre n'est dans l'intérêt de personne".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.