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A Ercis, la colère gagne parmi les rescapés du séisme


Mardi 25 octobre 2011 à 10h08

ERCIS (Turquie), 25 oct 2011 (AFP) — Après une deuxième nuit passée dans le froid et l'angoisse des répliques, la colère commençait mardi à gagner les rescapés du fort tremblement de terre qui a secoué dimanche l'est de la Turquie, à la forte population kurde.

A Ercis, la ville de 75.000 habitants la plus touchée par le séisme --plus de la moitié des 366 morts recensés par le dernier bilan officiel--, d'importants moyens ont été mis en oeuvre par les autorités: 1.300 secouristes, 200 ambulances, des hélicoptères, six bataillons de l'armée...

Deux villages de tentes ont été érigés, et des distributions de nourriture ont été organisées pour les habitants, qui pour la plupart n'osent pas retourner dans leurs maisons en raison des dommages qu'elles ont subi ou par crainte des répliques. Mais tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.

"Ici, tout ce qu'on nous donne, c'est du pain et de l'eau", affirme Nebahat Gezici, hébergée avec ses trois enfants, sa mère et sa belle-mère dans une tente du Croissant-Rouge, dans un camp installé sur un terrain de football.

"On n'a pas de chauffage, on n'a pas reçu de couvertures, même pas d'aspirine", poursuit la mère de famille. "On a eu froid toute la nuit, nous n'avons que trois couvertures récupérées de notre maison".

Nebahat déplore également l'absence de sanitaires et la honte, pour les femmes, de devoir faire leurs besoins au grand air.

Un peu plus loin, dans le quartier de Saliyeh, les maisons basses ne se sont pas effondrées, mais nombre d'entre elles ont été endommagées, et leurs habitants dorment désormais dans les jardins.

"A part un camion de pain, personne n'est venu ici nous aider", clame Necdet Yildirim, un chômeur d'une trentaine d'années, qui partage une tente difficilement acquise avec ses voisins, 12 personnes au total.

"Pour nous réchauffer, nous brûlons des cagettes, des pneus. Les enfants ont besoin de lait, et tous les magasins sont fermés", poursuit le jeune homme.

Un autre voisin a passé la nuit dehors, à côté de son poêle à bois. "On m'a coupé deux mètres d'intestins à cause de mon cancer, je devrais être à l'hôpital mais personne n'est venu m'aider", explique Faik Babat.

Et bien vite, les accusations fusent.

"Dans l'autre camp, celui où sont logés toutes les familles de militaires et de fonctionnaires, celui que les ministres vont visiter et où sont concentrés tous les journalistes, il y a des repas chauds, il y a le chauffage", affirme Necdet. "Nous, on ne s'occupe pas de nous parce qu'on est Kurdes".

Les soupçons pèsent aussi sur la mairie, aux mains du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), au pouvoir, à qui certains reprochent de favoriser ses électeurs, les tribus conservatrices des villages alentours, kurdes elles aussi, mais sans revendications identitaires.

"La police vient de me battre parce que je voulais prendre une couverture, mais j'en avais besoin moi de cette couverture", tempête un jeune homme parlant sous le couvert de l'anonymat et montrant une petite plaie fraîchement ouverte sur le dos de sa main gauche. "Pendant ce temps, ils ont laissé d'autres personnes en prendre six ou sept".

"Regarde là haut, tous ces types, ce sont des gens des villages qui attendent les camions d'aide pour les dévaliser. Alors qu'il n'y a pas eu de dommages dans les villages", déclare un vieil homme, désignant un attroupement sur la route principale d'Ercis. C'est sur cette même route qu'un photographe de l'AFP a assisté lundi au pillage d'un camion transportant des tentes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.