Lundi 5 decembre 2005 à 15h06
LA HAYE, 5 déc 2005 (AFP) — Quinze Kurdes d'Irak et d'Iran se sont portés parties civiles lundi au procès de Frans van Anraat, un négociant en produits chimiques néerlandais jugé pour complicité de génocide à La Haye pour avoir livré au régime de Saddam des produits pour la fabrication d'armes chimiques.
Chacune de ces quinze victimes de bombardements chimiques réclame un montant symbolique de 680 euros de dommages-intérêts.
"Ce montant n'est pas en relation avec ce que les victimes ont vécu, il doit être considéré comme symbolique, mais il est très important", a expliqué au juge leur avocate, Liesbeth Ziegveld.
"Les victimes de ces crimes présents aujourd'hui dans cette salle d'audience souffrent de blessures, elles ont été affectées et veulent une compensation, (...) leurs blessures sont les conséquences directes des atrocités commises par le régime de Saddam Hussein et peuvent être considérés comme dommages collatéraux", a-t-elle ajouté.
Les parties civiles sont originaires de Sardasht, Khorramshahr, Zardeh ou Oshnaviyeh en Iran et de la ville d'Halabja en Irak, où le massacre de Kurdes en mars 1988, considéré comme un génocide par la justice néerlandaise, a fait près de 5.000 morts en une journée.
Entre 1987 et 1988, ces lieux ont été les cibles d'attaques à l'arme chimique, laissant à ces quinze personnes d'irréparables séquelles qu'elles ont détaillé devant le tribunal.
"J'ai entendu des explosions, deux ou trois, j'ai senti une odeur d'ail et ensuite j'ai entendu comme de l'eau s'échappant de la grenade", a expliqué Abed Ali Mokthar, 57 ans.
Il travaillait comme ouvrier à la compagnie des eaux de Khorramshahr lorsque, en avril 1987, sa ville a été visée par une attaque. Dix-huit ans plus tard, il souffre de problèmes respiratoires, d'irritations de la peau et est toujours sous traitement médical.
"J'ai perdu une vingtaine de membres de ma famille", poursuit Kiumars Husseini, la soixantaine, presque incapable de s'exprimer entre d'importantes quintes de toux. L'homme vivait à Zardeh, attaquée en juillet 1988.
"Il était très difficile de bouger les corps après l'attaque car certains se brisaient dès que vous les touchiez", se souvient-il.
Comme les autres, Kiumars souffre de problèmes aux poumons, à l'estomac, de plaies, d'irritations de la peau, des yeux et d'insomnies.
Frans van Anraat, 63 ans, comparait pour avoir fourni dès 1984 des produits utilisés par le régime de Saddam Hussein pour la fabrication d'armes chimiques, utilisées lors de massacres de populations kurdes en Irak et en Iran.
Il est le premier Néerlandais jamais accusé de génocide et peut être poursuivi en vertu d'un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle en matière de crimes de guerre et de génocide, dès lors que les accusés résident aux Pays-Bas.
Frans van Anraat ne conteste pas la vente de ces produits, mais assure qu'il ignorait leur utilisation finale.
Le procès est entré cette semaine dans sa phase finale et un jugement est attendu le 23 décembre.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.