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Merkel pas encore prête à tourner la page avec la Turquie


Jeudi 15 février 2018 à 19h41

Berlin, 15 fév 2018 (AFP) — Angela Merkel a prévenu jeudi que les relations tendues de l'Allemagne avec la Turquie ne pourraient revenir à la normale sans la libération d'un journaliste turco-allemand par Ankara et une amélioration de l'Etat de droit.

La chancelière a reçu à Berlin le Premier ministre turc Binali Yildirim pour des entretiens qui devaient initialement sceller le début de dégel des relations entre leurs deux pays, partenaires au sein de l'Otan, après un an et demi de brouille en raison des dérives autoritaires en Turquie.

Mais elle a signifié à son interlocuteur que le moment de tourner la page n'était pas encore complètement venu. La visite à Berlin constitue certes "un signal de l'intérêt des deux parties à améliorer les relations turco-allemandes et peut-être de les porter sur une base de valeurs communes, mais pour le moment ce n'est pas facile", a-t-elle déclaré à la presse après l'entrevue.

Principale pomme de discorde qui subsiste : la détention depuis plus d'un an en Turquie d'un journaliste germano-turc, Deniz Yücel, accusé par Ankara de soutien au "terrorisme" mais toujours pas mis en accusation à ce jour.

"Aujourd'hui, j'ai souligné pour la énième fois le caractère urgent de ce cas" qui a "terni nos relations et continue à le faire", a dit Angela Merkel.

Le Premier ministre turc a paru de son côté revenir un peu en arrière sur le cas du correspondant du quotidien allemand Die Welt à Istanbul aujourd'hui en détention. Alors que la veille, dans un entretien, il avait évoqué une possible libération prochaine, il s'est borné jeudi à espérer que "son procès débute prochainement et qu'on parvienne à un résultat".

Angela Merkel a en outre estimé qu'il n'y avait en l'état "aucun mouvement en ce moment" à attendre concernant une possible extension de l'Union douanière entre la Turquie et l'Union européenne, souhaitée par Ankara.

Elle "ne peut être envisagée que si nous sommes davantage convaincus" que l'Etat de droit s'améliore en Turquie, a-t-elle dit.

La conférence de presse a été par ailleurs perturbée par un journaliste d'une publication kurde qui a montré à M. Yildirim des photos de ce qu'il présentait comme des victimes civiles des bombardements sur l'enclave kurde d'Afrine, cible d'une offensive militaire turque dans le nord-ouest de la Syrie.

"Ne fais pas de la propagande (...) toutes les photos que tu montres sont celles d'autres événements, n'essaie pas d'influer" sur la conférence de presse, a réagi le chef du gouvernement turc. Les photos ont été confisquées par la sécurité allemande.

"Nos mains sont propres, nous savons ce que nous faisons", a encore déclaré le Premier ministre.

La Turquie dément cibler la population et assure uniquement viser la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), qu'Ankara veut chasser de sa frontière. Le mouvement est classé groupe "terroriste" par les autorités turques mais est un allié crucial de Washington dans la lutte contre les jihadistes.

M. Yildirim a aussi estimé que les YPG et le Parti de l'union démocratique (PYD), un mouvement politique kurde syrien, n'étaient que des extensions en Syrie du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, séparatistes). "Quel que soit le nom qu'ils portent, ils cherchent à se créer un territoire particulier" à la frontière de la Turquie, a-t-il dénoncé pour expliquer l'offensive militaire turque.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.