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Bagdad reprend aux combattants kurdes leur dernier secteur à Kirkouk


Samedi 21 octobre 2017 à 04h02

Altun Kupri (Irak), 21 oct 2017 (AFP) — Les forces irakiennes ont repris aux combattants kurdes la dernière zone qu'ils contrôlaient dans la province de Kirkouk, après d'intenses combats, Washington appelant à "calmer la situation".

Le Commandement conjoint des opérations (JOC), qui regroupe l'ensemble des forces irakiennes, a annoncé vendredi "la reprise de contrôle d'Altun Kupri", un ensemble de 36 villages s'étendant sur 530 km³ et habités par une population mixte de 56.000 Kurdes et Turkmènes.

La diplomatie américaine s'est dite "inquiète" de ces violences dans le nord de l'Irak et a demandé à l'armée irakienne de limiter ses mouvements près de Kirkouk.

Des combats au mortier et à l'arme automatique se sont poursuivis jusqu'en fin de journée dans la zone, mais "les forces irakiennes ont pu lancer l'assaut (...) et hisser le drapeau irakien sur la municipalité" d'Altun Kupri, a indiqué à l'AFP un responsable des services de sécurité de Kirkouk, sous couvert d'anonymat. Durant les combats, le général peshmerga Ghazi Dolemri a été tué, ont indiqué des proches.

Cette zone agricole est stratégique, car située à équidistance entre les villes de Kirkouk et d'Erbil (50 km), à la limite entre les deux provinces. La première est placée sous l'autorité constitutionnelle de Bagdad et la seconde est le siège des autorités du Kurdistan irakien, qui bénéficie depuis 1991 d'une autonomie, élargie en 2005.

C'est par cette zone que transitent les échanges commerciaux et touristiques entre le Kurdistan et le reste du territoire irakien.

Hormis ces combats, d'autres ont été signalés dans la nuit de dimanche à lundi à la lisière sud de Kirkouk, alors que depuis dimanche, les forces irakiennes ont évincé les forces kurdes de la riche province pétrolière de Kirkouk (nord-est), ainsi que des provinces de Ninive (nord) et de Diyala (est).

Dans la très grande majorité des cas, il n'y a pas eu d'affrontement, les peshmergas s'étant retirés en vertu d'un accord de certains de leurs dirigeants avec Bagdad.

- 'Calmer la situation' -

"Dans le but d'éviter tout malentendu ou de nouveaux affrontements, nous demandons au gouvernement central de calmer la situation en limitant les mouvements des forces (armées) fédérales dans les zones disputées", et d'entreprendre uniquement des mouvements "qui ont été coordonnés avec le gouvernement régional du Kurdistan", a réclamé la porte-parole du département d'Etat Heather Nauert dans un communiqué.

La crise a toutefois poussé le géant pétrolier américain Chevron à suspendre "temporairement" ses opérations au Kurdistan irakien.

Parallèlement, les forces irakiennes ont annoncé avoir repris les champs de pétrole de Batma et Aïn Zala, au nord-ouest de Mossoul.

Des affrontements ont eu lieu entre peshmergas et troupes irakiennes appuyées par les unités paramilitaires du Hachd al-Chaabi, alliés à l'armée, qui tentent d'avancer vers Sirawa, à 5 km au nord d'Altun Kupri.

Des peshmergas irakiens et iraniens, qui tenaient une position près d'une station service, au nord de la ville, ont dû se replier après avoir essuyé une série de tirs d'obus, a constaté un correspondant de l'AFP.

Le commandement peshmerga à Erbil a dénoncé "une attaque des milices du Hachd al-Chaabi", unités dominées par les milices chiites soutenues par l'Iran, formées en 2014 pour contrer la percée jihadiste. Elle vise à "rallier la frontière administrative de la province de Kirkouk" en direction d'Erbil, a affirmé le commandement peshmerga.

- 'Restaurer l'autorité fédérale' -

Au nord de la ville, les peshmergas ont endommagé à l'explosif un pont enjambant le fleuve Zab et reliant les provinces de Kirkouk et d'Erbil, a indiqué à l'AFP un responsable de la sécurité dans la province de Kirkouk.

De son côté, Haydar Hamada, chef du service de presse du Premier ministre Haider al-Abadi, a confirmé l'opération à Altun Kupri.

"Nous allons poursuivre la restauration de l'autorité du pouvoir fédéral", a-t-il indiqué à l'AFP.

Les forces kurdes avaient profité de la débandade de l'armée irakienne en 2014 face à l'offensive fulgurante du groupe Etat islamique (EI) pour mettre la main sur plusieurs secteurs dans le nord du pays.

Dans la nuit, le président kurde, Massoud Barzani, a dénoncé dans un communiqué des "tentatives de génocide du gouvernement irakien", appelant "l'opinion internationale" à "faire pression sur les gouvernements (mondiaux) pour éviter de nouvelles catastrophes au peuple kurde".

Depuis 2003 et l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, la sécurité dans la zone d'Altun Kupri avait été confiée aux forces de police kurdes, en majorité affiliées au Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de M. Barzani.

Ce dernier est le grand architecte du référendum d'indépendance du 25 septembre, à l'origine de la crise actuelle.

Des dirigeants de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), le parti du défunt président irakien Jalal Talabani, rival historique du PDK, se sont accordés avec Bagdad pour retirer leurs combattants avant l'arrivée des troupes.

Depuis dimanche, Wasta Rassoul, commandant peshmerga du front sud de Kirkouk et haut cadre de l'UPK, a affirmé que 26 peshmergas avaient été tués et 67 autres blessés.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.