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Les forces irakiennes progressent rapidement à Kirkouk face aux Kurdes


Lundi 16 octobre 2017 à 15h03

Kirkouk (Irak), 16 oct 2017 (AFP) — Champ pétrolier, base et aéroport militaires: les troupes irakiennes ont rempli lundi, sans quasiment combattre, une partie de leurs objectifs dans la riche province de Kirkouk, au coeur d'un contentieux entre Bagdad et Erbil, exacerbé par le référendum kurde.

Elles sont même entrées dans la ville de Kirkouk, où elles décrochaient les drapeaux kurdes des bâtiments et des postes de contrôle pour les remplacer par des drapeaux irakiens, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les quartiers kurdes de cette ville multicommunautaire étaient le théâtre d'un exode de milliers de familles, entassées dans des véhicules qui formaient de longues files bloquant les sorties de la ville menant vers la région autonome du Kurdistan irakien.

Himen Chouani, 65 ans, parti avec sa famille, a fait porter la faute aux "politiciens à Erbil et Bagdad qui se sont affrontés pour le contrôle du pétrole". "Les victimes, ce sont nous, les habitants de Kirkouk", a-t-il déploré.

Après l'expiration d'un ultimatum fixé par Bagdad, l'armée irakienne a repris depuis dimanche soir plusieurs zones et infrastructures de Kirkouk dont les Kurdes s'étaient emparés en 2014 dans le chaos né de la percée fulgurante du groupe Etat islamique (EI).

Parmi elles figurent un des six champs pétroliers de la province, ainsi qu'une base et un aéroport militaires.

A l'exception d'échanges de tirs d'artillerie dans la nuit, la progression des forces irakiennes a dans l'ensemble été facilitée par le retrait des combattants kurdes (peshmergas) de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de leurs positions au sud de Kirkouk.

L'UPK est le rival du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), du président du Kurdistan irakien Massoud Barzani.

Un responsable kurde de la Santé a toutefois fait état d'un bilan de 10 peshmergas tués.

Dans un communiqué, la coalition internationale antijihadistes a exhorté Bagdad et les Kurdes à "éviter une escalade".

- 'Sécurité et autorité' -

Dans la nuit, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi, commandant en chef des forces armées, avait appelé ses troupes à agir "en coordination avec les habitants et les peshmergas".

Il a fait valoir que le référendum kurde du 25 septembre, contraire à la constitution selon Bagdad, avait créé un "risque de partition" de l'Irak. Son "devoir constitutionnel", a-t-il ajouté, est "d'imposer la sécurité et l'autorité fédérale" à Kirkouk.

Dans le même temps, le Commandement conjoint des opérations (JOC), qui regroupe l'ensemble des forces irakiennes engagées, a annoncé une succession d'avancées rapides.

Il y a eu notamment "la base militaire K1", la plus importante de la province de Kirkouk. Là, les forces irakiennes ont voulu effacer l'humiliation subie en juin 2014 lorsque les peshmergas avaient pris la base et obligé les soldats irakiens à rendre armes et uniformes sous les quolibets.

Ensuite, selon le JOC, les forces ont "pris le contrôle de l'aéroport militaire de Kirkouk", "du quartier général de la North Oil compagny" (NOC) --institution publique en charge du pétrole--, et "du champ pétrolier de Baba Gargar".

Les combattants kurdes contrôlaient jusqu'alors les six champs pétroliers de la région de Kirkouk, qui fournissent 340.000 des 550.000 barils par jour (b/j) qu'exporte en moyenne le Kurdistan irakien, en dépit du refus de Bagdad.

Les Kurdes géraient directement trois de ces champs pétroliers, qui produisent 250.000 b/j. Les trois autres -dont Baba Gargar- étaient gérés officiellement par la NOC mais les recettes revenaient aux Kurdes.

Le JOC a indiqué que "les forces poursuivaient leur progression" et affirmé "vouloir protéger la vie des habitants kurdes, turkmènes et arabes" appelant "tous les employés et la police locale à se rendre à leur travail (...) normalement, sous la protection de la police fédérale".

- Pierres et crachats -

Parmi les Kurdes, cette offensive a fait éclater au grand jour la crise qui couvait entre le PDK de Massoud Barzani, initiateur du référendum d'indépendance, et l'UPK, qui préférait engager des négociations avec Bagdad sous l'égide de l'ONU.

Le sud de la province de Kirkouk est tenu par des peshmergas affiliés à l'UPK tandis que le PDK contrôle le nord et l'est de cette province qui dépend de Bagdad mais que le Kurdistan revendique.

Conseiller du président Barzani, Hemin Hawrami a dénoncé sur Twitter des "problèmes internes et des accords ambigus", qui ont mené "des commandants à ordonner à leurs peshmergas de quitter leurs positions".

Des vidéos ont montré des convois de peshmergas de l'UPK abandonnant ces positions tandis que des habitants leur crachaient dessus et leur jetaient des pierres.

Les combats ont ainsi été rares mais des sources militaires ont rapporté des échanges de tirs de roquettes Katiousha au sud de Kirkouk.

Deux personnes ont été tuées dans des échanges de tirs d'artillerie à Toz Khormatou, a affirmé un médecin de l'hôpital de cette ville.

Des journalistes de l'AFP ont vu des forces irakiennes se positionner dans cette ville habitée par des Turkmènes et des Kurdes et située à 75 km de Kirkouk, ainsi que dans la cité mitoyenne de Dakouk.

Depuis vendredi, les forces irakiennes avaient déjà repris certaines bases désertées peu auparavant par les peshmergas.

La Turquie voisine, de son côté, s'est dit prête à "coopérer" avec Bagdad pour chasser d'Irak les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé "terroriste" par Ankara.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.