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Turquie: les dirigeants prokurdes arrêtés, 8 morts dans un attentat à Diyarbakir


Vendredi 4 novembre 2016 à 11h11

Diyarbakir (Turquie), 4 nov 2016 (AFP) — Les autorités turques ont arrêté vendredi les dirigeants et plusieurs députés du principal parti prokurde de Turquie, quelques heures avant une attaque à la voiture piégée qui a fait huits tués et plus de 100 blessés à Diyarbakir, dans le sud-est pays.

L'interpellation dans la nuit de jeudi à vendredi de Selahattin Demirtas et de Mme Figen Yüksekdag, qui dirigent conjointement le Parti démocratique des peuples (HDP), représente une escalade dans les purges lancées par le gouvernement après le coup d'Etat manqué en juillet et qui ont notamment touché de plein fouet les milieux prokurdes.

Les coprésidents du HDP, deuxième parti d'opposition en Turquie, ont été présentés vendredi matin à des magistrats qui devaient décider de leur éventuel placement en détention dans le cadre d'une enquête "antiterroriste" liée au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu.

Pendant leur audition à Diyarbakir, au moins huit personnes, dont deux policiers, ont été tuées et plus de 100 blessées par l'explosion d'un véhicule piégé devant un bâtiment de la police de la ville, une attaque attribuée par le Premier ministre Binali Yildirim au PKK, une organisation classée "terroriste" par Ankara, Washington et Bruxelles.

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, s'est dite "extrêmement inquiète" après ces interpellations et a indiqué sur Twitter qu'elle allait convoquer une réunion des ambassadeurs de l'UE à Ankara. Berlin a annoncé avoir convoqué le chargé d'affaires turc.

Au total, au moins 11 députés du HDP --dont les deux coprésidents-- ont été placés en garde à vue, selon une liste diffusée par le parti et par le ministère de l'Intérieur. Parmi eux, figurent des poids lourds, comme Idris Baluken, président du groupe parlementaire HDP, et Sirri Süreyya Önder, figure respectée de la cause kurde.

L'un d'un élus interpellés, Ziya Pir, a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, ont rapporté les médias turcs.

"Le HDP appelle la communauté internationale à réagir contre ce coup du régime d'Erdogan", a déclaré le parti sur son compte Twitter.

- 'Emmener par la force' -

M. Demirtas et Mme Yüksekdag font l'objet de plusieurs enquêtes pour des liens présumés avec les rebelles kurdes. Selon Anadolu, leur placement en garde à vue a été décidé après qu'ils ont refusé de répondre à des convocations judiciaires.

Avec l'état d'urgence instauré après la tentative de coup d'Etat du 15 juillet, des ONG accusent les autorités turques de cibler des médias critiques et des opposants sous couvert de lutte contre les putschistes présumés. Quelque 35.000 personnes ont été placées en detention et des dizaines de milliers limogées ou suspendues dans le cadre d'une immense chasse aux sorcières, très critiquée en Occident.

Le week-end dernier, les deux maires de Diyarbakir ont été placés en détention et une douzaine de médias prokurdes ont été fermés par décret.

Ces mesures ont aggravé les tensions dans le sud-est du pays, ensanglanté par des combats quotidiens entre le PKK et les forces de sécurité depuis la rupture, à l'été 2015, d'un fragile cessez-le-feu, qui a sonné le glas du processus de paix pour mettre un terme à un conflit ayant fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Le président Erdogan considère que le HDP est étroitement lié au PKK et a fait savoir qu'il ne considérait plus cette formation comme un interlocuteur légitime, qualifiant régulièrement ses membres de "terroristes".

En mai, le Parlement turc a voté la levée de l'immunité des députés menacés de poursuites judiciaires, une mesure contestée visant notamment les élus du HDP.

"Ceux qui veulent nous interroger devront nous emmener par la force. Nous n'irons pas de notre plein gré", avait alors défié M. Demirtas.

Parfois surnommé l'"Obama kurde" en raison de son charisme, M. Demirtas a longtemps été considéré le seul rival potentiel de M. Erdogan sur une scène politique dominée par le chef de l'Etat turc.

Sous son impulsion, le HDP a élargi sa base électorale au-delà de la seule communauté kurde de Turquie (15 millions de personnes) et s'est transformé en un parti moderne, à la fibre sociale et ouvert aux femmes et à toutes les minorités.

Le HDP, qui dément être l'"aile politique" du PKK, s'oppose farouchement au projet de réforme constitutionnelle visant à instaurer un régime présidentiel que défend le gouvernement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.