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Opération à Mossoul: tensions entre la Turquie et l'Irak


Mercredi 5 octobre 2016 à 21h02

Istanbul, 5 oct 2016 (AFP) — Une joute diplomatique opposait mercredi la Turquie et l'Irak au sujet de l'offensive attendue pour libérer Mossoul, le bastion du groupe jihadiste Etat islamique (EI) dans le nord de l'Irak.

La dispute porte notamment sur le déploiement de troupes turques près de Mossoul, une présence à laquelle s'oppose fermement le Premier ministre irakien Haider al-Abadi qui a dit craindre une "guerre régionale".

La Turquie a exprimé à plusieurs reprises ces derniers jours des réserves sur une éventuelle participation à cette offensive de milices chiites ou de groupes armés kurdes hostiles à Ankara.

Bagdad s'est offusqué d'un vote du Parlement turc durant le week-end prolongeant le mandat qui autorise les troupes turques à intervenir en Irak et en Syrie.

Le Parlement irakien a appelé le gouvernement à prendre des mesures de rétorsion contre la Turquie, qualifiant de "force d'occupation" les troupes turques présentes dans la base de Bachiqa, dans le nord de l'Irak, pour entraîner des volontaires irakiens sunnites en vue d'une reconquête de Mossoul.

"Nous ne voulons pas entrer dans un conflit régional", a affirmé mercredi M. Abadi lors d'une conférence de presse à Bagdad, disant craindre que "l'aventure turque ne tourne en une guerre régionale".

Signe des tensions entre les deux voisins, Ankara a convié mardi l'ambassadeur irakien pour lui demander des explications et Bagdad a fait de même avec l'ambassadeur turc mercredi, selon des sources au sein des deux ministères des Affaires étrangères.

Après de longs mois de discussions, Bagdad a mis en place un plan, avec l'aide de la coalition internationale antijihadistes menée par les Etats-Unis, pour lancer une offensive en vue de libérer Mossoul, deuxième plus grande ville d'Irak, aux mains de l'EI depuis 2014.

"Où était le gouvernement irakien quand Daech (acronyme arabe pour l'EI) a capturé Mossoul?", s'est emporté mercredi le vice-Premier ministre turc Numan Kurtulmus, furieux contre l'emploi du terme "force d'occupation" par des parlementaires irakiens.

Ankara estime avoir des droits historiques sur Mossoul près de laquelle elle a installé la base à Bachiqa, au grand dam de Bagdad.

L'ambassadeur turc à Bagdad a été convoqué en signe de protestation à la suite de propos tenus samedi par le président turc Recep Tayyip Erdogan lors de la séance parlementaire au cours de laquelle le mandat autorisant les troupes turques à intervenir en Irak et en Syrie a été prolongé.

M. Erdogan avait estimé que la libération de Mossoul, ville à majorité sunnite, devait être menée uniquement par ceux qui ont des liens ethniques et religieux avec la ville, et non pas par les milices chiites ou rebelles kurdes du YPG, considérés par Ankara comme le prolongement du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), classé "terroriste" par les Turcs.

Lors d'une conférence de presse mercredi à Ankara, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a accusé le gouvernement irakien de faire preuve de mauvaise foi à l'égard de son pays. Il a indiqué que des responsables officiels de Bagdad avaient même "visité le camp (de Bachiqa) et l'avaient soutenu financièrement" dans le passé.

Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus a assuré pour sa part que les troupes de son pays n'avaient pas l'intention d'être une "force d'occupation".

Le ministre de la Défense Fikri Isik a averti qu'une offensive contre Mossoul risquait de provoquer la fuite de jusqu'à un million de personnes de la région. "Nos alliés doivent attentivement examiner la possibilité de voir jusqu'à un million de réfugiés en cas d'une opération à Mossoul. Un tel problème devra être résolu à l'intérieur des frontières de l'Irak", a-t-il déclaré dans un communiqué publié mercredi par l'agence Dogan.

Un éventuel flux de réfugiés fuyant vers le territoire turc représenterait "un grand fardeau" pour la Turquie et pourrait même avoir un impact pour l'Europe, a-t-il ajouté.

La Turquie accueille déjà quelque 3 millions de réfugiés, essentiellement des Syriens ayant fui la guerre civile dans leur pays.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.