Page Précédente

Syrie: difficiles négociations à Genève, les Kurdes poussent leur pions sur le terrain


Jeudi 17 mars 2016 à 12h44

Genève, 17 mars 2016 (AFP) — De difficiles négociations sur l'avenir de la Syrie se poursuivent jeudi à Genève dans un contexte compliqué par l'annonce d'une région fédérale kurde dans le nord du pays, et des déclarations musclées du président russe sur la possibilité de renvoyer ses avions "en quelques heures" dans le ciel syrien.

Après avoir annoncé lundi à la surprise générale le retrait du gros du contingent militaire russe, le président Vladimir Poutine a prévenu qu'il pouvait redéployer ses avions "en quelques heures".

"S'il est nécessaire, la Russie peut accroître juste en quelques heures sa présence dans la région jusqu'à un niveau adapté à la situation qui s'y développe", a déclaré M. Poutine lors d'une cérémonie de décoration de soldats et d'officiers de retour de Syrie.

Des déclarations qui rappellent combien est fragile "le contexte favorable", vanté par l'ONU et les parrains du processus, dans lequel se tiennent les pourparlers de paix sur la Syrie à Genève.

Ces discussions risquent également d'être fragilisées par l'annonce de l'établissement d'une région fédérale dans le nord du pays par les Kurdes, acteurs majeurs du conflit mais tenus à l'écart du processus de négociations.

"Le système fédéral a été approuvé pour la région Rojava (Kurdistan syrien) - Nord de la Syrie", a affirmé Sihanouk Dibo, un responsable du PYD, principal parti kurde en Syrie, à l'issue d'une réunion à Rmeilane dans le nord-est de la Syrie.

L'unification des trois "cantons" kurdes (Afrine, Kobané et Jaziré) --en plus des régions récemment conquises par les forces kurdes dans le nord syrien-- représenterait un pas de plus vers l'auto-détermination.

Un mouvement inacceptable tant pour le régime que l'opposition, qui se sont prononcés contre le fédéralisme en Syrie, et qui risque d'avoir des répercussions plus importantes encore en raison de la position de la Turquie, autre acteur majeur du dossier syrien.

Les Kurdes syriens, qui contrôlent plus de 10% du territoire et les trois quarts de la frontière syro-turque, n'ont pas été invités à ce stade aux discussions de Genève, Ankara, lui-même confronté à un problème avec sa communauté kurde et inquiet de l'émergence d'un Kurdistan syrien autonome à ses frontières, considérant le PYD comme "terroriste".

Les Etats-Unis, pourtant alliés des Kurdes, ont prévenu mercredi qu'ils ne reconnaîtraient pas la création d'une région unifiée et autonome dans les zones syriennes qu'ils contrôlent.

"Nous avons été très clairs sur le fait que nous ne reconnaîtrons pas de régions autonomes en Syrie", a indiqué Mark Toner, porte-parole du département d'Etat, à la presse.

- Légitimité de l'opposition -

Les pourparlers de Genève, qui ont repris lundi, doivent être centrés sur les modalités de la transition politique en Syrie, afin de sortir d'un conflit qui dure depuis cinq ans et a fait plus de 270.000 morts. Mais, après la décision kurde et avec de nouveaux doutes lancés sur la légitimité de l'opposition, la question se pose de savoir qui est habilité à discuter de l'avenir politique du pays.

L'opposition regroupée au sein du Haut comité des Négociations (HCN), qui réunit des politiques et des représentants des groupes armés, doit rencontrer dans l'après-midi l'émissaire de l'ONU Staffan da Mistura pour la deuxième fois depuis le début de la semaine. L'occasion de "demander des clarifications" sur la tournure prise par le processus, selon une source au sein du HCN.

Car si l'opposition officielle est adoubée par les Occidentaux, elle est remise en cause par le régime de Damas et son allié russe.

Une deuxième délégation baptisée "Groupe de Moscou et du Caire", comprenant des opposants et des personnalités dont certains poussés par la Russie, a été reçue mercredi officiellement par M. De Mistura à l'ONU, semant le trouble au sein du HCN.

Le groupe de Moscou et du Caire, qui avait déjà réclamé une place à la table des négociations lors du précédent round en février dernier, comprend des figures comme Qadri Jamil, ancien vice-Premier ministre du régime d'Assad, Randa Kassis, une opposante laïque ou Jihad Makdissi, un ancien porte-parole du gouvernement. Il compte aussi en son sein d'autres opposants chrétiens, alaouites et assyriens.

"Nous sommes ici en tant que négociateurs", ont affirmé ces personnalités à l'issue de leur rencontre avec M. De Mistura, qui lui ne s'est pas exprimé devant la presse.

"Il n'est pas possible d'accepter une autre partie comme négociateur pour le peuple syrien, à moins qu'elle ne soit vraiment représentative. Est-ce que ces gens ont un quelconque poids sur le terrain ?", avait réagi le porte-parole du HCN Salem al-Moslet.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.