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Après l'exil, parenthèse touristique à Paris pour 200 réfugiés syriens et irakiens en France


Samedi 10 octobre 2015 à 18h52

Paris, 10 oct 2015 (AFP) — Cet été ils étaient sur les routes, fuyant la guerre. Samedi, 200 réfugiés syriens, irakiens et kurdes en France ont visité Paris, un moment d'insouciance immortalisé par des "selfies" au pied de la tour Eiffel qu'ils n'avaient jamais vue qu'en rêve.

Sur le pont supérieur du bateau-mouche, l'ambiance est à la fête. On chante, on salue bruyamment les passants sur le quai, on s'échange bons mots et blagues.

"Vous ne pouvez pas comprendre, c'est de l'humour noir syrien", glisse Nour Shekhany, 22 ans, étudiant en économie à l'université de Damas avant son départ.

Il fait partie d'un contingent de réfugiés hébergés depuis le mois dernier près de Paris, accueillis par la France pour soulager l'Allemagne confrontée à un afflux massif.

L'Assemblée nationale à leur droite, la place de la Concorde à leur gauche ne leur évoquent pas grand-chose. Le musée du Louvre, à la rigueur. Mais ce qui intéresse Nour et ses compagnons, c'est "le pont qui s'est écroulé à cause des cadenas d'amour". Du coup, quand le bateau passe sous le pont des Arts, les youyous fusent.

Au pied de Notre-Dame, un couple de mariés pose pour une séance photo. "Je veux me marier avec toi", hurle, en français, le boute-en-train du groupe, provoquant l'hilarité générale.

"Jamais je n'aurais imaginé être là", confie, les yeux pétillants, Ali Merkath, 33 ans. "Bagdad, c'est fini. Maintenant, mon pays c'est la France, c'est là que nous allons construire notre avenir."

- 'Faire venir ma famille' -

"Nous serons vraiment installés quand nous aurons une maison", nuance sa femme Tahrir, habillée à l'occidentale, lunettes de soleil sur les yeux. Au comble de l'excitation, leurs deux enfants, penchés par-dessus le bastingage, pointent du doigt les dorures du Pont Alexandre III, qui coupe la Seine entre les Invalides et les Champs-Elysées.

Il y a deux mois, Ali et sa famille ralliaient depuis Bodrum, en Turquie, l'île de Samos, en Grèce, à bord d'une chaloupe qui, précise l'adolescent, était "beaucoup moins solide que ce bateau-là".

Pour le Secours populaire français, l'association organisatrice de cette parenthèse, "il était important de leur offrir cette journée de découverte de Paris, de leur montrer un autre visage de la France", à l'image peu attirante avec sa situation économique difficile et son extrême droite forte.

L'initiative s'inscrit dans la tradition de ce mouvement populaire qui aida au 20e siècle les républicains espagnols réfugiés en France puis les populations fuyant les régimes fasciste et nazi.

Mais parmi les réfugiés, certains ont du mal à se détendre. C'est le cas d'Aboud Omar, un Syrien d'Alep, qui a laissé dans un camp en Turquie sa femme et ses six enfants, dont un nourrisson qui n'avait pas trois semaines quand il a pris le chemin de l'exil.

"Je demande à Dieu et au gouvernement français de faire venir ma famille le plus vite possible", confie cet homme de 37 ans au regard inquiet.

Mohamed Loay non plus n'a pas le coeur à faire des selfies. Cet ingénieur dans l'armée irakienne coulait des jours heureux à Ramadi quand la ville est tombée en mai aux mains des jihadistes de l'Etat islamique (EI).

Sa soeur a été faite prisonnière, sa maison, détruite et sa famille en est réduite à vivre dans un garage. Sur son téléphone, il fait défiler les photos qui témoignent de son calvaire, en espérant qu'elles serviront son seul objectif: faire venir ses proches en France.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.